L’illusion des Rouleaux Jaunes et Bleus

par Jean Marie Champeau 2 Janvier 2021, 18:15 mouvement

Cette illusion a été proposée par le professeur de psychologie Akiyoshi Kitaoka. C’est l’une des illusions les plus connues. C’est celle que j’ai choisie car elle est très célèbre et il me semble qu’elle est représentative de ses recherches.

Présentation de l'illusion

 

©  Akiyoshi Kitaoka

Nous voyons trois rouleaux tourner sur eux mêmes. Le rouleau du milieu de la droite vers la gauche. Bien sûr, il n'y a en réalité aucun mouvement sur l’image.

Analyse de l'illusion

L’image est constituée de dessins suggérant des formes de « rouleaux » ainsi que des couleurs contrastées. Les ovales bleus sont bordés de noir et de blanc. Le « rouleau central » présente, contrairement aux autres, les bords noirs à droite et blancs à gauche.
L’impression de rotation du « rouleau central » va de la droite vers la gauche.
Si les formes suggérées jouent, à l’évidence un rôle, voyons si les couleurs participent à l’illusion.

couleurs
Fig 1 (gris)
Fig 2 (contraste 0)

 

On constate que l’image soit en gris(fig1) ou avec un contraste minimum(fig2), l’illusion de « rotation » est fortement amoindrie voire annulée. Par conséquent le contraste des couleurs joue un rôle dans l’illusion.

Fig 3 (image retournée)
Fig 4 (éclairage à droite)

Sur l’image retournée (fig3), l’impression de rotation va maintenant de la gauche vers la droite. Le « roulement » s’oriente toujours du noir vers le blanc.

En revanche, sur l’image de droite(fig4), le « rouleau  central » seul a été retourné de façon à présenter tous les bords blancs à droite. L’image est statique.

formes

Les colonnes d’ovales plus ou moins étroits reproduisent la vue de trois cylindres « en relief ». En effet, dans une vue de cylindres parsemés de points, on voit les points extérieurs plus étroits comme ici.

Sur la Figure 4 ci dessus, l’impression de mouvement a disparu mais la vue de volumes persiste.

Lumière

L'alternance des bords blancs et noir simule un éclairage venant de la droite pour les « cylindres » extérieurs avec le banc(éclairé) à droite et le noir(ombre) à gauche.  En revanche, pour le « cylindre » central l’éclairage semble inversé avec les bords de droite noirs et les bords de gauche blancs sur l’image originale.
Si on rend « cohérente » la lumière incidente en plaçant tous les bords blancs du même côté (fig4), l’image reste fixe.

Explication(s) de l'illusion

Les colonnes d’ovales plus ou moins étroits simulent des volumes et induisent logiquement une impression de profondeur.

L'alternance des bords blancs et noir simule un éclairage différent du « rouleau central » par rapport au reste le l’image. Logiquement, cette situation est impossible sur une image fixe.
La seule solution est que quelque chose bouge dans ce qu’on nous montre.
Les neurones détecteurs de mouvement sont piégés par les « éclairages » suggérés, ce qui provoque leur activation et crée un effet de mouvement.
Ce type d’illusion induisant une sensation de mouvement se nomme « dérive périphérique »

La dérive périphérique

L'illusion de dérive périphérique (Peripheral_drift_illusion,PDI) fait référence à une illusion de mouvement générée par la présentation d'un réseau de luminance en dents de scie.

Une variante du PDI a été créée par Kitaoka et Ashida (2003) qui ont pris le changement continu de luminance en dents de scie et inversé les gris intermédiaires. Kitaoka a créé de nombreuses variantes du PDI. Celle qui nous concerne en est une.

Le mouvement de telles illusions est constamment perçu dans une direction du sombre(noir) vers lumière(blanc).

Mouvements oculaires

Puisque illusion de mouvement il y a, la logique voudrait que celle ci soit provoquée par les seuls organes du système visuel qui peuvent bouger, les yeux.
L’illusion serait donc d’ordre physiologique (Alexander & Martinez-Conde, 2019). La vitesse du mouvement perçu dépendrait de la fréquence des mouvements oculaires microsaccadiques (fixation visuelle ou maintien du regard visuel sur un seul endroit. Les mouvements oculaires réguliers alternent entre les saccades et les fixations visuelles).

Mécanismes neuronaux

D’autres articles ont été publiés examinant les mécanismes neuronaux impliqués dans la vision du PDI (Backus et Oruç, 2005; Conway et al., 2005), mettant en avant l’importance du contraste.
Faubert et Herbert (1999) ont suggéré que l'illusion était basée sur des différences temporelles dans le traitement de la luminance produisant un signal qui trompe le système de mouvement (Le noir et le blanc parviennent au cerveau avant les couleurs moins contrastées, ce décalage générerait l’impression de mouvement).

Ma conclusion

Nous avons vu que le contraste est un élément majeur dans l’illusion.
L’illusion ne peut se comprendre que dans le cadre d’une image interprétée comme étant une vue de volumes (« cylindres »).
L’impression de mouvement est la résultante déductive du cerveau devant l’incohérence de « l’éclairage » contradictoire des « rouleaux » pour une image fixe.
L’illusion est, de mon point de vue, purement cognitive. L’oeil n’est pas trompé et émet un signal fidèle vers le cerveau qui intègre les données et en déduit que la différence d’éclairage du « cylindre » du milieu ne peut s’expliquer que par un mouvement (de la lumière ou du sujet).
Le choix du mouvement du sujet est le plus logique (cylindre) car le « vécu » du cerveau à déjà vu des cylindres en rotation et beaucoup moins souvent une lumière « baladeuse ».

Le plus étrange

Le plus étrange, n’est pas l’illusion elle même car nous savons que bien des artifices sont possibles pour générer une tromperie, mais c’est le fait que l’on sait que c’est une illusion et que, malgré cela, on n’y échappe pas.

 

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