Avant d’attaquer notre sujet, et pour faire le lien avec les illusions de mouvement, voici un petit texte dont les lettres sont bordées de blanc et de noir. Si vous avez vu l’article sur les "illusions de mouvement", vous savez à quoi vous attendre.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_0c494a_texte-illusion.jpg)
Les biais
Nous sommes tous persuadés que nous sommes capables de voir ce qu’il y a devant nous.
Pourtant des biais cognitifs influencent nos vies quotidiennes : l’illusion de la mémoire, de l’attention, de la confiance, de la connaissance, de la cause,…
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_022e07_435px-marilyn-monroe-photoplay-1953.jpg)
Que répondez-vous à la question « de quoi meurent les stars du rock ou du cinéma? »;
Beaucoup répondront autre chose qu’une disparition tranquille, pourtant la plupart meurent dans leur lit ! Mais les premières images qui nous viennent sont celles de Marylin Monroe, John Lennon ou Amy Whinehouse. C’est ce qu’on appelle le biais de disponibilité.
Expérimenté par le psychologue américain D. Kahneman, ce jeu illustre le biais d’ancrage : une roue de la fortune marquée de 0 à 100 a été truquée et ne peut s’arrêter que sur 2 valeurs, 10 et 65.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_70f689_roue-de-la-fortune.jpg)
Après avoir fait tourner la roue, qui s’arrête donc sur 10 ou 65, on pose 2 questions :
a) le pourcentage de pays d’Afrique aux Nations Unies est-il inférieur ou supérieur au nombre tiré sur la roue
b) quel est selon vous le pourcentage de pays d’Afrique aux Nations Unies ?
Il n’y a aucun rapport entre cette roue et la question géopolitique posée, bien entendu.
Pourtant, les personnes qui ont tiré le nombre 10 sur la roue répondaient 25% en moyenne aux 2 questions alors que ceux qui ont tiré le nombre 65 répondaient 45% en moyenne aux 2 questions !
Ce biais d’ancrage apparaît lorsque les gens sont exposés à une valeur particulière (l’ancre) avant d’estimer une valeur inconnue. Ce résultat a été vérifié au travers de multiples études.
On comprend mieux les spécialistes de la négociation ou du marketing qui « ancrent » un premier prix dans notre psyché pour nous influencer. Un prix plus élevé ou moins élevé que la réalité, selon leur besoin.
Aie aie aie, je sens qu’on n’est pas sorti de l’auberge là !
Les systèmes du cerveau
Nous avons 3 systèmes à l’œuvre dans le cerveau.
Le système 1 : rapide , automatique et intuitif.
Le système 2 : lent, logique et réfléchi.
Le système 3 : permet d’arbitrer, au cas par cas, entre les 2 premiers systèmes.
Il peut inhiber la pensée rapide lorsque l’application de la logique est nécessaire.
Voyons deux exemples avec des syllogismes invraisemblables.
Les éléphants
a) les éléphants sont des mangeurs de foin
b) les mangeurs de foin ne sont pas lourds.
Est-ce que cela veut dire que les éléphants sont lourds ?
Non, la logique (même invraisemblable) dit que les éléphants, en tant que mangeurs de foins ne sont pas lourds.
Mais les enfants de 6 à 12 ans répondent souvent oui car ils ont encore du mal à inhiber le contenu sémantique (les enfants savent que l’éléphant est lourd) pour se centrer sur l’aspect logique (même invraisemblable) de la déduction.
Des adultes se trompent aussi…car ils examinent également prioritairement la crédibilité sémantique avant la validité logique.
Les roses
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_b3697c_330px-rose-papa-meilland.jpg)
a) toutes les roses sont des fleurs
b) certaines fleurs fanent vite donc
c) certaines roses fanent vite.
Il faut se concentrer pour observer que c) est biaisé… car il se peut qu’il n’y ait aucune rose parmi les fleurs qui fanent vite et il faut se battre contre la déduction logiquement biaisée, d’autant plus que certaines roses fanent vite en effet.
Ah ! la logique, elle en fait faire des âneries !
L’ordre des lettres
Dès notre plus jeune âge, nous avons appris à lire, autrement dit, nous avons appris à interpréter des formes (les mots écrits) pour en extraire le sens. Cet exercice de lecture, nous le faisons quotidiennement. Nous sommes tellement habitués à lire que nous agissons à la manière d'un automate face à du texte, on ne peut s'empêcher de le lire.
Toute forme est interprétée par notre cerveau qui l’associe à ce qu’il a en stock.
Lisez rapidement le texte ci-dessous :
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_f8e044_44596114-p.jpg)
L'exemple ci-dessus illustre ce propos. Même si les lettres d'un mot sont mélangées, nous parvenons à le lire. Il suffit pour cela que la première et la dernière lettre soient à la bonne place, ce qui représente pour notre cerveau une forme reconnaissable.
L’approximation choisie par le cerveau est gagnante..
Des chiffres et des lettres
Décidément quand notre cerveau a assimilé les mots et la forme des lettres, l’approximation n’est plus un problème. Parce que nous avons dû déchiffrer des textes endommagés, nous avons appris à nous satisfaire de formes approchantes.
Ce décodage fonctionne à une condition: Il faut que l’on soit persuadé que c’est un texte et qu’on peut le lire. Sinon ça reste un empilage de chiffres et de lettres.
Lisez le texte ci-dessous:
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_d20002_texte-avec-des-lettres-et-des-chiffres.jpg)
Au début de la découverte de l’image, elle semble insensée pendant quelques secondes. Puis on repère un ensemble qui rappelle un mot, et ce mot est précédé et suivi de ce qui ressemble à d’autres mots qui côtoient généralement ce premier mot et la bribe de phrase prend un sens.
Enfin, c’est tout le texte qui prend un sens.
Magique non ?
Là aussi, le choix du cerveau est gagnant.
Un nombre
Cette facilité peut nous jouer des tours, faute d’indices suffisant, ou pire avec des indices trompeurs, on peut se fourvoyer.
Voyons cela dans les images qui suivent :
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_d42faf_121314.jpg)
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_a99593_abc.jpg)
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_ba933a_abc-121314.jpg)
Pas si vite!
Dans cet autre exemple, nous lisons superficiellement et si nous avons compris le sens de la phrase, nous prêtons moins attention à l’exactitude de la formulation.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_c0d374_il-va-a-la-plage.jpg)
Dans 9 cas sur dix, on ne s’aperçoit pas qu’il y a un mot doublé. Si c’est le cas pour vous c’est que vous être dans la norme.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_e43348_la-est-ecrit-deux-fois-retourne.jpg)
Des dés
Comptez le nombre de "d" que contient cette phrase.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_7971a7_compter-les-d.jpg)
La plupart des cerveaux se concentrent instinctivement sur les mots importants, oubliant de s'attarder sur les prépositions ou articles glissés entre deux, comme "de" ou "dans".
Vous avez ainsi eu l'impression de lire la phrase de façon analytique, en détaillant lettre par lettre, mais ce n'est pas ainsi que votre cerveau fonctionne : habitué à la lecture, il parcourt le texte de façon synthétique, en accordant spontanément très peu d'importance aux mots de liaison pour se consacrer uniquement au sens global de la phrase. C’est le principe du télégramme.
Vous avez dû compter 9 ou 10 "d", alors qu'il y en a 15 !
Si l’on veut être compris
Lisez le texte suivant :
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_7a1291_texte-tronque.jpg)
Bien que les lignes soient partiellement effacées, vous avez pu lire et comprendre le texte.
Pourquoi ?
D’une manière générale, les minuscules sont plus faciles à lire que les majuscules.
En effet, les minuscules sont aidantes pour la lecture car elles fournissent des indices :
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_271e9a_atlantique.jpg)
-Les formes ascendantes (aussi appelées « hampes »),
-Les formes descendantes,
-Les accents,
-La ponctuation.
(même si ce dernier indice manque dans notre petit texte)
Autant d’éléments qui les rendent facilement reconnaissables pour un lecteur un peu entraîné.
De façon inconsciente, beaucoup de lecteurs ne lisent que la partie supérieure des lignes car c’est là que se trouvent les formes discriminantes. Le haut des lettres donne trois fois plus d’informations que le bas des lettres.
C’est suffisant pour une lecture courante et rapide sur un texte simple.
En revanche pour les majuscules la différence entre le haut et le bas est beaucoup moins marquée. Aucune partie ne dépasse en haut et en bas. La forme d’un mot en majuscule est toujours identique, un rectangle dans lequel aucune lettre ne dépasse.
Trop de majuscules ralentissent la lecture
Les majuscules prennent souvent plus de place sur une ligne. Il faut plus de sauts oculaires, ce qui ralentit la lecture.
L’œil reste fixé une fraction de seconde sur un mot, puis sur un autre. Ces fixations correspondent à la vision utile pendant lesquelles sont extraites les informations du texte.
Pour aller d’un mot à l’autre et ainsi progresser dans la lecture, l’œil effectue des saccades dont l’étendue est de 5 à 10 caractères en moyenne.
Si le texte est difficile à lire, l’œil doit revenir en arrière. La régression permet un retour sur une information non comprise. Cette opération est coûteuse en temps pour le lecteur.
Un texte entièrement en majuscules est lu 10 à 20 % moins vite que le même texte en minuscules.
Bon, sachant cela on est paré pour la suite.
En couleur
Nous allons triturer notre cerveau d’une autre manière.
Nous avons vu qu’il fonctionne plutôt de façon globale sans que cela pose de réel problème sur un texte simple. Là nous allons corser le sujet et faire appel à plusieurs mécanismes en même temps.
Il se trouve que ces mécanismes sont localisés dans des régions séparées du cerveau qui va devoir mettre en œuvre un système supplémentaire qui assure la circulation de l’information d’une zone à l’autre.
Le jeu consiste à dire, en l’occurrence la couleur d’un mot qui est différente de la signification du mot lui-même.
Il est normal de devoir réfléchir à chaque mot car nous devons faire le tri entre les deux concepts.
Pire, nous butons même sur le mot de la même couleur que ce qu’il dit.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_f90479_mots-en-couleur.jpg)
Vous trouvez ça difficile ? C’est normal !
Concentrez vous bon sang !
Là, on a intérêt à bien mémoriser les détails.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_fe3ce8_la-dictee-qui-rend-fou.jpg)
A la lecture de ce petit texte, on comprend mieux ceux qui parlent de parent 1 et parent 2.
Les phrases ambiguës
Des constructions qui vont nous rappeler nos illusions visuelles, ce sont les phrases ambiguës. Vous me direz, en français, ce n’est pas possible. Notre belle langue est trop bien conçue pour receler de pareils pièges. Et pourtant. . .
Il existe plusieurs types d’ambiguïtés qui, lorsqu’elles sont perçues, ont toutes une conséquence similaire : l’incompréhension et, en général, la nécessité de relire le passage.
Prenons deux exemples :
« Sophie sent la rose », Sophie est-elle en train de respirer l’odeur de la fleur, ou est-ce le parfum que Sophie porte qui sent la rose?
« Rita a acheté des nappes à pois rouges », il nous est impossible de savoir si ce sont les nappes qui sont rouges ou si ce sont les pois qui le sont.
La preuve avec les résultats d’une recherche d’image sur internet :
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_31a16a_nappe-blanche-a-pois-rouges.jpg)
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_2473f4_lollipop.jpg)
Une image vaut mieux qu’un long discours
Après les images trompeuses, on pensait s’en sortir avec des textes. On vient de voir que, même si les choses sont un peu plus contrôlables, le cerveau doit aussi faire des estimations, quelquefois gagnantes, mais quelquefois défavorables.
Même si nous avons appris a nous méfier des images, leur puissance sublime un texte, elle le met en scène et évite de décrire le contexte. Dans certains cas, il n’est même pas besoin de texte.
/image%2F6172132%2F20210323%2Fob_4dc346_ypxwesjm.jpg)
Sources
http://motsenfleurs2.canalblog.com/archives/2009/10/01/15269502.html
http://www.kerignard.com/illusions_optique/
http://gerardmoreau.com/penser-cest-se-tromper/
https://fr.slideshare.net/Anakyne/illusion-optique-insolite-1729734
http://correction-redaction.e-monsite.com/pages/pourquoi-une-relecture.html
https://linguistique.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/71/2017/08/article_4.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marilyn_Monroe