Les illusions dans la guerre, 39-45, L'entreprise la plus étrange du monde

par Jean Marie Champeau 10 Juin 2021, 22:55 guerre

 

1941, L'entreprise la plus étrange du monde

 

Lorsque la guerre éclate en Europe en septembre 1939, à trente-huit ans, James Elder Wills avait entamé une carrière dans le domaine du déguisement et de l'illusion.

 

Après des études d'architecture dans sa jeunesse, il devient artiste scénique au Theatre Royal, DruryLane, à Londres. Plus tard, il s'est tourné vers le cinéma en tant que directeur artistique, producteur et réalisateur, avec plusieurs succès cinématographiques.

 

Après avoir fait la campagne de France de 1940, avec le malheureux Corps expéditionnaire britannique, il a été évacué à Dunkerque. Il est resté cantonné en Angleterre en raison d'une blessure à la jambe. 

 

Pendant un an, il était affecté au service du camouflage des bâtiments et des aérodromes, et à la conception des chars et des avions factices, pour aider à mystifier la Luftwaffe et dissuader Adolf Hitler de lancer son "Opération Seelöwe"(lion de mer), l'invasion de l'Angleterre alors sur la défensive.

 

Au début de novembre 1941, le capitaine et plus tard lieutenant-colonel, Wills était convoqué par le professeur Dudley M. Newitt, chef de la recherche scientifique Département de la direction des opérations spéciales (SOE), et lui a donné une mission un peu spéciale. 

 

Partant de presque rien, Wills a du créer un bon nombre de laboratoires secrets qui fourniraient une grande variété de gadgets nécessaires aux espions et saboteurs pour survivre dans l’Europe nazie.

 

Wills s'est attaqué à sa tâche avec enthousiasme et a créé plusieurs ateliers dans Londres et aux alentours. Dans cette entreprise cruciale, car des milliers de vies pouvait être en jeu, Wills s’est entouré de certains de ses anciens ouvriers de Studios de cinéma d'Elstree. Maquilleurs, menuisiers, costumière, plâtriers, tous avaient une grande expérience du pays imaginaire des illusions.


Le magicien de scène britannique très connu, Jasper Maskelyne, était associé à l’opération.

 

 

Le plus grand «laboratoire» a été installé à Thatched Barn, un faux hôtel Tudor de deux étages construit dans les années 1930 à Borehamwood, Hertfordshire, Angleterre. Il avait ouvert ses portes en 1934 en tant que "roadhouse", un lieu où les stars de cinéma pouvaient faire des rencontres galantes.

 

En 1939, Billy Butlin, un entrepreneur de villages vacances, a acheté le Thatched Barn comme son premier hôtel mais l’établissement sera réquisitionné par le SOE.

 

Les produits

 

 

Le premier travail urgent de Wills a été de fournir une valise satisfaisante pour le radio qui ne soit pas repérable par les nazis. En effet, jusqu’alors, les valises utilisées avaient été achetées dans des magasins publics et étaient du même type.

 

Donc, une fois connu le type de valise par les Allemands, si un agent de la Gestapo repérait l'un de ces bagages, il savait qu'il avait piégé un espion allié. 

 

Wills et ses assistants ont parcouru les magasins de bric-à-brac pour se fournir en un large éventail de types de valises, du genre que le Français moyen, le Belge ou le Néerlandais porterait. 


Certaines des valises étaient en trop bon état, elles ont donc dû être un peu martyrisés pour les faire paraître usées. Dans ces bagages l’équipe a aménagé un double fond qui pourraient passer inaperçu lors d’une inspection rapide par les Allemands.

 

Au début de la guerre, les agents recevaient des codes écrits sur du papier ordinaire mais leur découverte signifiait l’arrêt de mort pour le porteur. Ils ont vite été écrits à l’encre invisible qui ne pouvait être vue que sous un éclairage infrarouge.

 

Il a également été créé des petites lampes de poche avec des disques infrarouges dissimulés pour permettre aux agents de lire les codes radio. La Gestapo ne se méfierait pas de simples lampes de poche, des millions de personnes en Europe en portaient car il y avait souvent des coupures de courant.

 

Les laboratoires secrets de J.E. Wills ont produit des documents microfilmés si minuscules qu’ils pouvaient être placés dans des petits conteneurs qui, à leur tour, étaient cachés dans diverses parties du corps.

 

Chaque agent recevrait une boîte d'allumettes ordinaires, une des allumettes identifiable uniquement par une petite entaille, contenait un microfilm avec l'équivalent de neuf pages.

 

Un grand nombre d'autres objets du quotidien ont été détournés. Des tubes de dentifrice avec compartiments spéciaux, des lacets avec un tube souple à l'intérieur, des micropoints pas plus gros qu'un grain de poussière pouvant contenir un message de cinq cents mots.
 

 

Le projet "Toilettes" a consisté à sécuriser les transmissions et on a montré aux agents comment cacher leur radio dans la citerne de toilettes lorsque ils sont dans une maison sûre. La chaîne de traction servant d'antenne.

 

Agents britanniques à un checkpoint Allemand en France.

 

 

Des vêtements révélateurs de leur provenance britannique pouvaient coûter la vie à un espion.

 

Donc Wills a obtenu l’aide d'un réfugié juif de Vienne, maître tailleur, pour être son principal conseiller «Mode».

 

Les vêtements fabriqués sur le continent étaient assez différents des ceux créés en Angleterre, les détails devaient donc être corrects dans les moindres détails jusqu'aux chaussettes, sous-vêtements, et soutien-gorge.

Bien que le conseiller juif ne parlât qu'un mauvais anglais, il s'est mis au travail avec zèle et ingéniosité. Il a recruté plusieurs tailleurs et couturières juifs, établi une petite usine secrète au cœur de Londres et produit une large gamme de vêtements pour hommes et femmes selon des spécifications précises.

Etiquette de vêtement "Tissé à Paris"

 

Dénommé Hans, l'Autrichien visitait les synagogues du Sud de l’Angleterre et, en tailleur expérimenté, obtenait des étiquettes qui portaient le nom d'un véritable magasin à Paris, Bruxelles ou Amsterdam. 


                                    
Plus tard, ces étiquettes ont été dupliquées dans l'usine secrète de Hans, «vieillies» et cousues dans les vêtements, suffisamment usagés.

 

Un fabricant britannique, dans le secret, fabriquait des chaussures et des bottes du type qui était porté sur le continent. Les bottes étaient munies de talons coulissants pour dissimuler une cavité pour cacher des microfilms.

                           Objets explosifs

 

Wills et ses hommes ont produit une grande variété d'articles ordinaires, de petite taille et faciles à transporter ou à dissimuler sur une personne. Beaucoup d’entre eux étaient des engins explosifs. 

 

Une bouteille de lait pouvait être placée discrètement dans un bureau de la Gestapo ou de l'Abwehr et elle exploserait lorsque les bouchons seraient retirés. Un simple stylo semait le chaos et un pain explosait lorsqu'il était coupés ou cassés à la main.

 

Wills a fait appel au professeur Julian Huxley, secrétaire de la London Zoological Society, et aux responsables du Natural History Museum, qui le conseillèrent pour la création de pièges ingénieux s’inspirant d’animaux.

 

Cheval, chameau, éléphant, ou mulet, les «crottes» étaient en matière plastique et peintes à la main. Elles étaient pratiquement indiscernables des choses réelles.
                                                             

Soigneusement emballés dans des caisses marquées «chaussures», «chaises» ou autres, les pièges ont été expédiés à leur destinataires en fonction de la présence locale des vrais objets. Des crottes de chevaux dans une grande partie de l'Europe, des excréments de chameaux en Afrique du Nord, les déjections d'éléphants en Extrême-Orient.

 


Un clandestin, même seul, pourrait se faufiler et placer quelques-uns de ces explosifs au milieu de véritables excréments sur une route ou un sentier emprunté par des troupes ennemies. 


Des dizaines de milliers de « cigarettes » remplies d'explosif ou de matière incendiaire ont été envoyés aux agents du SOE dans l'Europe occupée par les nazis. Ces innocents articles ont causé beaucoup de dommages aux installations allemandes.

Bûche explosive.

 

Ont également été créés de faux morceaux de charbon ou de bois, des articles presque identiques à ceux utilisés en territoire occupé.

 

Remplis d'explosifs brisants, le «charbon» ou les «bûches» étaient si réalistes que les résistants pouvaient les porter ouvertement sur les routes de l'Europe à la vue des nazis. Ces objets ont trouvé le chemin des casernes ou des bureaux de la Wehrmacht, avec la destruction à la clé.

L’équipe du colonel Wills a joué un rôle majeur mais largement méconnu dans la préparation de l'Europe à l’invasion Alliée.

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