Les illusions dans la guerre, 1899, Le siège de Mafeking

par Jean Marie Champeau 7 Août 2021, 07:58 guerre

 

1899, Le siège de Mafeking

 

Le siège de Mafeking, l'arrivée des renforts de Sir Frederick Carrington.
Le siège de Mafeking, l'arrivée des renforts

 

 

Pendant la Deuxième Guerre des Boers, le commandant britannique Robert Baden-Powell a largement utilisé la tromperie pendant Le siège de Mafeking du 13 octobre 1899 au 17 mai 1900.


Bien qu'assiégée par 8000 Boers, la garnison de 1500 hommes tint le siège pendant 217 jours, défiant les prévisions des dirigeants des deux côtés. 

Au fur et à mesure que les Boers avançaient, Baden-Powell écrivit une lettre à un ami du Transvaal dont il savait qu'il était mort, qui contenait des nouvelles de l'approche imminente d'un plus grand nombre de troupes britanniques. 

 

Baden-Powell a fait en sorte que la lettre soit interceptée et lorsqu'elle est tombée entre les mains des Boers, ils ont cru qu'elle était réelle. 

 

Mafikeng_Second_Boer_War
Boers pendant le siège de Mafeking

En conséquence, ils ont détourné 1200 hommes pour garder les approches contre les renforts fictifs de Baden-Powell

 

Les troupes de Baden-Powell installèrent également de faux ouvrages défensifs à distance de la ville elle-même, dont un désigné comme son poste de commandement, qui détourna l'attention des Boers

                                    
De plus, il a demandé aux résidents locaux d'exécuter des manoeuvres, notamment de transporter des boîtes de sable étiquetées «mines» à des endroits où elles pouvaient être observées. 

 

La nouvelle de ces supposées mines atteignit les Boers et, peu après, lorsqu'ils virent apparaître les prétendus champs de mines aux abords de la ville, ils pensèrent que le danger était réel. Ces mesures trompeuses ont retardé une attaque des Boers, ce qui a laissé le temps à Baden-Powell d'améliorer les défenses de Mafeking

 

Il fut aussi demandé aux hommes d'éviter des zones de barbelés, qui n’existaient pas, lorsqu'ils se déplaçaient dans les tranchées.

Des canons et des projecteurs, improvisés étaient régulièrement déplacés dans la ville pour qu’il semble y avoir plus de matériel qu’en réalité.

 

Un obusier fut construit dans les ateliers ferroviaires de la ville, et même un vieux canon, daté de 1770, fut remis en service. 

Les hommes dans le train blindé
Les hommes dans le train blindé

 

Ayant remarqué que les Boers n'avaient pas retiré les rails de chemins de fer des lignes quittant la ville, Baden-Powell qui avait un train blindé, l'envoya en une attaque éclair au cœur du camp Boer, pour revenir tout aussi rapidement dans la ville.
                                                                             

Grâce à ces efforts et aux ruses de Baden-Powell les Britanniques ont pu tenir bon jusqu'à ce que des renforts arrivent et lèvent le siège.

 

Après Mafeking 

 

Après la levée du siège de Mafeking, le 18 mai, contrecarré par les actions de Robert Baden-Powell, les Britanniques parvinrent à forcer la reddition du Général Piet Cronje et de 4000 de ses combattants et à affaiblir le reste des troupes Boers


Ils avancèrent alors au cœur des deux républiques, prenant la capitale de l'État libre d'Orange, Bloemfontein, le 13 mars et la capitale du Transvaal, Pretoria, le 5 juin.
 

 

De nombreux observateurs britanniques pensaient la guerre terminée après la capture des deux capitales. Mais les Boers se réunirent en une nouvelle capitale, Kroonstad à 100km au Nord Est de Bloemfontein, et mirent sur pied une campagne de guérilla pour attaquer les lignes de communication et de ravitaillement britanniques.

Un blockhaus près de Wolseley en Afrique du Sud.
Un blockhaus près de Wolseley

 

Le nouveau dirigeant de l'armée britannique, Lord Kitchener, réagit en construisant des postes fortifiés, des petites constructions de pierre entourées de fils barbelés, afin de réduire les mouvements des groupes de guérilla en de petites zones où ils pouvaient être battus.

 

Les postes fortifiés permirent de réduire les mouvements des guérillas mais ne pouvaient à eux seuls en venir à bout. Kitchener forma de nouveaux régiments de troupes irrégulières de cavalerie légère, y compris des carabiniers Bushveldt, qui parcoururent les territoires contrôlés par les Boers, traquant les groupes de combattants. 

En mars, il adopta une stratégie de la terre brûlée et se mit à vider les campagnes de tout ce qui pouvait être utile aux guérillas Boers et empoisonnant les points d’eau. Cette stratégie mena à la destruction d'environ 30000 fermes et une quarantaine de petites villes. 

La politique de terre brûlée pratiquée contre les fermes des Boers par les soldats britanniques.
La politique de terre brûlée pratiquée contre les fermes

 

Un camp de concentration anglais en Afrique du Sud en 1900.
Un camp de concentration anglais en 1900.

En tout, 116572 Boers furent envoyés dans des camps de concentration, soit à peu près un quart de la population, auxquels s'ajoutaient encore quelque 120000 Africains noirs. 

 

Il y eut au total 45 camps de tentes construits pour enfermer ces civils ainsi que 64 autres pour les Noirs qui avaient vécu auprès des Boers.

 

L'aménagement de ces camps résultant de la guerre d'usure menée par les britanniques souleva l'indignation internationale à l'époque alertée en particulier par Emily Hobhouse une infirmière militante britannique. Mais le Royaume-Uni étant une grande démocratie alors. . . 

 

Ce fait sera, d’ailleurs, utilisé plus tard par la propagande national-socialiste pour banaliser les camps nazis d’extermination. 


Les camps de Boers abritaient essentiellement des personnes âgées, des femmes et des enfants pour un total d'environ 120000 personnes. 25630 d'entre eux furent déportés à l'étranger. La maladie, la malnutrition et la surpopulation furent autant de facteurs qui contribuèrent au taux élevé de mortalité. 

                                                           
À la fin du deuxième conflit, les deux républiques Boers, l'État libre d'Orange et la République Sud-Africaine du Transvaal, perdirent leur indépendance et furent intégrées à l'Empire britannique jusqu'à la création de l'Union d'Afrique du Sud en 1910.


Vous avez dit démocratie ? 

 

Les origines des guerres des Boers

 

La guerre des Boers désigne deux conflits intervenus en Afrique du Sud à la fin du XIXe siècle entre les Britanniques et les habitants des deux républiques Boers indépendantes l'État libre d'Orange et la République Sud-Africaine du Transvaal.

 

- La première guerre des Boers: du 16 décembre 1880 au 23 mars1881.

- La seconde guerre des Boers: du 11 octobre 1899 au 31 mai 1902.          

Boers en campagne.
Boers en campagne.

 

Les Boers étaient les descendants des premiers colons d'origines néerlandaise, allemande et française, arrivés en Afrique du Sud aux XVIIe et XVIIIe siècles. 

 

Le terme de Boer, fermier en néerlandais, qui désignait principalement les habitants des républiques Boers, laissera, au XXe siècle, la place à celui d'Afrikaner pour désigner l'ensemble de cette communauté blanche d'Afrique du Sud.

 

L’origine de la première guerre

 

L'entente entre les Britanniques et les Boers ne fut jamais très bonne. La colonie néerlandaise du Cap est occupée dès 1795 à la suite de la création de la République Batave. Elle est définitivement cédée à l'Empire britannique en 1814. 

 

En 1836, la plupart des Boers, mécontents de l'administration britannique dans la colonie du Cap car l'anglais était devenu la langue officielle en 1828 au détriment du néerlandais, et l'esclavage aboli sans compensation financière, décident de quitter la colonie. 

Les Voortrekkers - de J.S. Skelton (1909)
Les Voortrekkers (J.S. Skelton)

 

 

C'est le "Grand Trek" de ceux qui sont alors appelés Voortrekkers. En 1838, ils partent vers l'Est sous le commandement notamment de Piet Retief et fondent la République indépendante du Natal, après avoir battu les Zoulous à la bataille de Blood River

 

Mais en 1843, les Britanniques l'annexent. Les Boers partent alors vers l'Ouest et traversent le Drakensberg pour s’installer entre les fleuves Orange et Limpopo.


 

Le 18 janvier 1852, le Royaume-Uni reconnaît l'indépendance des territoires situés au nord du fleuve Vaal, qui prennent ainsi le nom de Transvaal. Elle reconnaît également le territoire compris entre l'Orange et le Vaal, qui deviendra le 23 février 1854 l'État libre d'Orange

 

En 1867, on découvre des diamants dans la région du Griqualand. Les deux états Boers, l'État libre d'Orange et le Transvaal revendiquent cette région, en invoquant diverses conventions. Mais grâce à une habile politique, c'est la Grande-Bretagne qui hérite de cette région et annexe le Griqualand le 27 octobre 1871.

Boers au combat. Illustrated London News
Boers au combat. (London News)

 

Quelques années plus tard, les Britanniques, sous les ordres de Lord Carnavon, décident alors d'annexer le Transvaal car la situation se dégrade et menace indirectement la colonie du Natal.
                                           

En 1877, Sir Theophilus Shepstone pénétra dans la république Boer du Transvaal avec 25 hommes de la police montée du Natal. Sans rencontrer de résistance il atteignit Pretoria, où les discussions avec le gouvernement Boer aboutirent à l'annexion du Transvaal par l'Empire britannique le 12 avril 1877. 

 

Le vice-président de la république, Paul Kruger, fut alors l'un des rares dirigeants Boers à s'y opposer.


C'est avec Piet Joubert et Marthinus Wessel Pretorius que Paul Kruger commença à organiser une résistance armée et le 16 décembre 1880, les rebelles Boers proclamèrent l'indépendance du Transvaal à Potchefstroom

 

Le 20 décembre, ils attaquèrent et après plusieurs escarmouches, les britanniques furent sévèrement défaits à la bataille de Majuba le 27 février 1881.

O'Neil's Cottage, lieu de signature du traité, à proximité de Majuba
O'Neil's Cottage, lieu de signature du traité

Un traité d'armistice fut signé le 6 mars 1881 et complété par un traité de paix final le 22 mars 1881. Selon les termes de ce dernier, les Boers du Transvaal retrouvaient leur autonomie tout en restant sous la souveraineté britannique.

 

Le traité fut ensuite ratifié par la convention de Pretoria le 3 août 1881.
En 1884, la convention de Londres redonna sa pleine souveraineté au Transvaal réorganisée sous sa forme originelle de République d'Afrique du Sud.

Une famille de fermiers boers en 1886.
Une famille de fermiers boers en 1886.

 

 

L’origine de la seconde guerre

 

carte de la seconde guerre des Boers

En 1887, des prospecteurs découvrirent le plus important gisement d'or au monde, situé dans le Witwatersrand, une arête montagneuse qui s'étend de 100km à l'Est jusqu'à 50km au Sud de Prétoria.

 

Johannesburg devint une ville champignon pratiquement du jour au lendemain, au fur et à mesure de l'installation des uitlanders, mot néerlandais signifiant étranger, désignant les Britanniques venant s'installer dans le Transvaal. Les uitlanders dépassèrent rapidement en nombre les Boers dans la région des mines, bien que restant une minorité dans le Transvaal lui-même.

 

Les Boers, agacés par la présence des uitlanders, leur refusèrent le droit de vote et taxèrent lourdement l'industrie aurifère. En réponse, les uitlanders exercèrent une pression sur les autorités britanniques, en vue d'obtenir le renversement du gouvernement Boer. En 1895, Cecil Rhodes appuya une tentative de coup d'État par une action militaire dite "le Raid Jameson" qui échouera.


Le plan de Rhodes consistait à simuler une révolte des uitlanders avec l’espoir qu’elle soit sévèrement réprimée. Les Britanniques interviendraient alors pour éviter une guerre civile et en profiteraient pour placer les territoires Boers sous leur autorité, d'autant que, comme par hasard, le chemin de fer envisagé par Cecil Rhodes entre Le Cap et Le Caire devait nécessairement traverser le territoire des Boers.

 

Le plan échoua mais ce n’était que partie remise.

              
Le meurtre de l’uitlander Tom Edgar en décembre 1898 par un des membres de la police du Transvaal à la suite d'une bagarre fut monté en épingle, déboucha finalement sur des pétitions demandant l'intervention de la Grande-Bretagne pour protéger les Britanniques présents au Transvaal. 


Le président Marthinus Steyn de l'État libre d'Orange invita Alfred Milner et Kruger à une conférence à Bloemfontein, qui débuta le 30 mai 1899. Les négociations furent rapidement interrompues. 
                                                                                        

                           
En septembre 1899, Joseph Chamberlain(*) envoya un ultimatum exigeant la complète égalité de droits pour les citoyens britanniques résidant au Transvaal. Les conditions demandées par les Britanniques se révélaient inacceptables pour les Boers, les uitlanders étant en nombre tel au Transvaal que le droit de vote donné à tous ferait, tôt ou tard, basculer la majorité en faveur des uitlanders, pro-britanniques, et compromettrait l’existence même de la nation Boer.

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(*) Il est le père du premier ministre britannique Arthur Neville Chamberlain surtout connu pour sa politique étrangère « d’apaisement », qui s’est notamment traduite par la signature des accords de Munich en 1938.

 

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Paul Kruger.
Paul Kruger

 

Le 9 octobre 1899, Kruger lança son propre ultimatum avant même d'avoir reçu celui de Chamberlain. Il donnait 48 heures aux Britanniques pour évacuer leurs troupes des frontières du Transvaal ou la guerre leur serait déclarée en accord avec leur allié, l’État libre d’Orange.

 

La guerre fut déclarée le 11 octobre 1899 et les Boers attaquèrent les premiers en envahissant la colonie du Cap et la colonie du Natal entre octobre 1899 et janvier 1900. 

 

Sous les ordres du Général Cronje, les lignes de chemins de fer et télégraphe furent coupées le même jour, et le siège de la ville de Mafeking débuta le13 octobre. La ville fut bombardée la première fois le 16 octobre après que Baden-Powell eut ignoré l'appel à la reddition lancé par Cronje. 

 

C’était parti pour la seconde guerre des Boers. 

 

Comme on l’a vu, la liberté des peuples à disposer d’eux même étant à géométrie variable, à la fin du deuxième conflit, les deux républiques Boers, l'État libre d'Orange et la République Sud-Africaine du Transvaal, perdirent leur indépendance et furent intégrées à l'Empire britannique.
 

Une famille Boer vers 1900
Une famille Boer vers 1900

 

siegemafeking

Sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Siège_de_Mafeking

https://www.bwm.org.au/warcourse/Mafeking.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Boers

https://fr.wikipedia.org/wiki/Républiques_boers

https://fr.wikipedia.org/wiki/Première_guerre_des_Boers

https://fr.wikipedia.org/wiki/Seconde_guerre_des_Boers

https://classe-internationale.com/2018/01/25/couts-et-heritages-de-la-deuxieme-guerre-des-boers-1899-1902/

https://www.gutenberg.org/files/41511/41511-h/41511-h.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Boers

https://carlpepin.com/2010/09/01/champs-de-bataille-la-seconde-guerre-des-boers-1899-1902/

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Camps_de_concentration_britanniques_en_Afrique_du_Sud

https://fr.wikipedia.org/wiki/Emily_Hobhouse

 

 

Photos

Par G. S. Smithard (1873–1919); J. R. Skelton (1865–1927) — Taken from page 290 of Colvin, Ian (1909). South Africa. London: The Caxton Publishing Company. OCLC 893096., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=34965330

Par Georgio — Photographer: Joseph Rauscher, Source: National Archives, as presented by the Swaziland National Trust Commission's Digital Archives., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2776849

Par Tinus le Roux (Photos Redux - Colourising History) — https://www.facebook.com/Boer-War-Colourised-Photographs-666600686709877/?__tn__=%2CdK-R-R&eid=ARADr6JTfYtTBWGLp-SoFPUsWv1yidjPFcPaAMJu2pUtfkQ7uEL-hVecZtOWnh9rv2UiC0qxzng1jsyT&fref=mentions, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=78120818

 

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