Les illusions, le biais de l’induction

par Jean Marie Champeau 13 Mars 2022, 18:38 biais de raisonnement

 

Le biais de l’induction

 

Lever de soleil


Le Soleil s’est levé jusqu’à présent tous les matins, on pense qu’il continuera à se lever tous les matins.

 

Demain matin il devrait se lever.


En se basant seulement sur l’observation d’un événement répétitif on en déduit qu’il va se répéter.

 

Ce raisonnement se nomme l’induction. 

 

Si dans beaucoup de cas le résultat de la prédiction s’avère exacte, le raisonnement n’est soutenu par aucune démonstration. C’est ce qui pose problème car il n’y a aucune preuve que l’observation perdurera.

 

En ce qui concerne le soleil, on le sait maintenant par l’étude du fonctionnement des étoiles et de la rotation de la terre, le soleil se lèvera effectivement tous les matins jusqu’à ce que la terre ne tourne plus ou plus probablement quand la terre disparaîtra dans ce même soleil qui, devenant une étoile rouge, se gonflera jusqu’à l’orbite de la terre.

 

L'induction, du particulier au général


Le biais d'induction ou parfois problème de l'induction, est la tendance à faire une prédiction générale, donc pour le futur, basée sur un échantillon d'évènements passés.

 

Ce système n’aboutit jamais à aucune certitude. 

Le poulet de Russel

 

En effet, notre instinct nous pousse à croire que le futur sera toujours semblable au passé, or cela ne fournit aucune preuve logique de ce qui va se dérouler dans le futur.

 

Je ne résiste pas à vous proposer cet exemple que l’on doit à Bertrand Russell, logicien, philosophe britannique, qui formule ce problème de manière imagée à propos d’un poulet qui, par un raisonnement inductif, associe la main de l'homme à la nourriture.

 

J1 : « le soleil se lève. mon maître me donne à manger »

J2 : « le soleil se lève. mon maître me donne à manger »

J3 : « le soleil se lève. mon maître va me donner à manger »

J4 : « le soleil se lève; donc mon maître va me donner à manger »

J5, J6, etc. . . : le raisonnement est vérifié.

 

Mais le 24 décembre, …

 

L'homme qui a nourri le poulet tous les jours de sa vie, finit par lui tordre le cou pour la Noel.

 

Pas fiable

 

Ce raisonnement pèche un peu côté fiabilité, c’est rien de le dire du point de vue du poulet !


David Hume, philosophe écossais du 18e siècle, a été l'un des premiers à montrer que l'induction n'était pas un raisonnement fiable et qu'il fallait la considérer comme un pari imprudent qui n’est justifié que par son propre succès empirique… 

 

Autrement dit l’induction ne peut se justifier que par induction, ce qui constitue un cercle vicieux.

 

Tandis que la conclusion d’un raisonnement déductif dérive généralement d’une règle générale, le raisonnement inductif va tenter d’extraire la règle générale à partir d’informations partielles.

 

Condition :    si "a" est vrai,

Règle :          si « si "a" est vrai alors "b" est vrai» est vrai,

Conclusion:  alors "b" est vrai.


Dans l'induction, on conclut directement la règle si "a" est vrai et que "b" est vrai.


Ce faisant, on prend le risque que la règle ait le même avenir que notre poulet.

 

Encore des jeux

 

Exemple de matrice de Raven


Le raisonnement inductif est utilisé au quotidien, dans des jeux, dans notre travail, autant que dans des outils standardisés permettant d’évaluer cette capacité. 

 

La démarche inductive se retrouve par exemple dans des séries à compléter, comme dans les matrices de Raven, dans lesquelles il s’agit de découvrir à partir d’exemples, le comportement général du système observé, pour en déduire l’étape suivante. 


Dans les années 70, avec leurs symboles alignés en séries à prolonger, les tests psychotechniques avaient la cote dans tous les milieux, en particulier dans les entreprises comme outil nouveau du management.

 

Il y a même des pédagogues à deux balles qui ont fait une correspondance avec le Quotient Intellectuel.

 

Il est très facile d’en apprendre les mécanismes pour ruser les systèmes d’évaluation. Personnellement, à une certaine époque, comme je m’entraînait sur le sujet pour passer les entretiens d‘embauche, j’ai du friser le 210 de QI !

 

Une série

 

Quel est le chiffre qui vient à la suite de la série suivante :


5 ; 9 ; 6 ; 8 ; 7 ; 7 ; ?    


On peut discerner deux suites à l’intérieur de celle ci. Les chiffres placés en position impaire croissent de un, 5 pour le premier, 6 pour le troisième, 7 pour le cinquième, tandis que les chiffres en position paire décroissent de un, en commençant par 9 pour le deuxième, 8 pour le quatrième, 7 pour le sixième. 
Selon cette règle, le septième chiffre est donc 8, le huitième sera 6. . .

 

Nous avons induit une règle qui nous permet de continuer la suite proposée… Et c’est généralement à ce moment que, fort d’une explication convenable, nous cessons un raisonnement qui nous satisfait. 


Pour peu que, dans la réalité, le 8 vienne effectivement à la suite, cela constitue pour nous une preuve que la règle que nous avions trouvée, représente cette réalité. . .


Sauf que, 

 

On aurait pu remarquer que chaque chiffre constitue le résultat de l'addition ou de la soustraction, à partir du nombre précédent et, de façon alternée, d'un nombre appartenant à une série décroissante à partir d’un chiffre de départ et son précédent -1 (5-1=4). Ainsi:


5 + 4 = 9;    
9 – 3 = 6;    
6 + 2 = 8;
8 – 1 = 7;
7 + 0 = 7;
7 – (-1) = 8;
8 + (-2) = 6;


Nous nous trouvons deux règles induites qui expliquent la suite proposée, les résultats à deviner et le comportement du système. 


Si pour un début à la valeur 5 les deux règles sont équivalentes, laquelle des règles qui décrivent le système est vraie ?
En effet si la série commence à 6, les résultats sont différents selon la règle :


Dans le premier cas :    6 ; 9 ; 7 ; 8 ; 8 ; 7 ; 9 ; 6; 10 ;        
    

Dans le second :    6 ; 11(6+5) ; 7(11-4) ; 10(7+3) ;. . .

 

L’exemple de ces deux façons de calculer amène à constater que dans le cas de raisonnements inductifs, la conclusion ne dépend pas seulement d’une règle générale, mais également du point de vue adopté par celui qui induit et conclut. 

 

De plus, une règle générale induite à partir d’exemples ne peut être qu’une hypothèse, jusqu’à ce que soit trouvé un contre-exemple. Il est extrêmement difficile, sinon impossible, de prouver qu’une règle est vraie, à partir d’échantillons, et ce, même si cette règle prédit exactement plusieurs comportements du système étudié, par la suite.

A noter que dans l’univers des jeux de ce genre, les suites qui présentent des résultats différents selon le raisonnement font le bonheur des internautes qui s’écharpent par tweet interposés.

 

aller voir, l'illusion des chiffres

 

Sur ce point on peut se reporter à l’article « illusions dans les chiffres » du chapitre « curiosités »

 

Le raisonnement inductif ne peux pas se suffire à lui même. Il n’est utile que pour élaborer des hypothèses qui doivent ensuite être démontrées par un raisonnement scientifique.


Et pourtant. . .


C’est pourtant bel et bien ce type de raisonnement qui soutient une bonne part de l’activité scientifique de nos jours, en particulier sur le climat, aussi est-il important d’en saisir toutes les implications logiques, et les écueils à éviter. 


La logique nous permet non seulement de ne pas établir de conclusions fausses, mais également de ne pas affirmer de conclusion vraie selon les exemples que nous avons choisis. 


De manière générale, la science fournit des modèles de plus en plus proches de la description correcte de la réalité, sans pour autant que ceux-ci soit définitivement adoptés. Le raisonnement inductif ne peut donner naissance qu'à des représentations approximatives de la réalité.


L’un des pièges propres aux scientifiques est également de voir dans les données qui vont dans le sens de leurs hypothèses, la preuve ou la confirmation de ces hypothèses.


Comme le montre la séries de chiffres du début, prédire le comportement d’un système ne signifie pas que la règle que l’on croit expliquer ce comportement, est valide. 

 

C’est compris mesdames et messieurs du GIEC ?

 

Pom, pom, pom, pom, pomme

 

La Récolte des pommes à  Éragny.
La Récolte des pommes à Éragny


L’un des exemples les plus célèbres d’induction est celui de la pomme de Newton.

 

Après avoir observé différents corps, de la pomme au boulet de canon, et constaté qu’ils tombaient tous.

 

Newton en déduit que quelque chose attire les objets au centre de la Terre, en tire les lois de la gravitation qu’il va extrapoler à la Lune, puis au Soleil et aux autres planètes. 

 

Cet exemple célèbre, outre le fait qu’il montre bien la puissance de la logique par rapport à ce que l’on accepte comme évident, illustre la méthodologie inductive comme le point de départ, mais non suffisant, de la méthodologie scientifique. 


A partir de l’observation d’exemples et de faits, d’une expérimentation effectuée sur un échantillon, on généralise les résultats pour décrire l’ensemble de la population dont l’exemple est extrait, au-delà et parfois contre l’évidence, puis on confronte les prévisions du modèle à la réalité. 


"Il fallait bien s’appeler Newton pour se rendre compte que la Lune tombait, alors que tout le monde voit bien qu’elle ne tombe pas !".

Après la pluie, le beau temps.

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