Les illusions, le paradoxe de Grelling-Nelson

par Jean Marie Champeau 2 Novembre 2022, 03:00 curiosité logique

 

Le paradoxe de Grelling-Nelson

Statue grecque en noir et blanc sur papier déchiré.


Le terme "autologique" s'applique à un mot qui a la caractéristique qu'il désigne. A l’inverse "hétérologique" s'applique à un mot qui ne se décrit pas lui-même. 

 

Par exemple : «long» est un adjectif hétérologique en ceci que le mot n'est pas long puisque composé de seulement quatre lettres. 

 

De même, le mot «illisible» peut parfaitement être lu, il est donc hétérologique lui aussi. 

 

À l'inverse, le mot «français» est dit autologique car il correspond à sa définition, français est bien un mot du dictionnaire français.

 

Mais. . . l'adjectif «hétérologique» est-il lui-même hétérologique ?. . . s’il ne l'est pas !

 

C’est Le paradoxe de Grelling-Nelson.

 

Le paradoxe

 

Le paradoxe de Grelling-Nelson, est un paradoxe sémantique formulé en 1908 par les philosophes allemands Kurt Grelling et Leonard Nelson.

 

L'adjectif «hétérologique», désignant un mot qui ne se décrit pas lui-même, serait lui-même hétérologique s’il n’a pas la caractéristique qu'il désigne.

 

Ce paradoxe est semblable à d'autres paradoxes logiques, comme celui du menteur, en cela qu'il repose sur la négation d'une autoréférence.

aller voir

 

On peut aller voir le détail du paradoxe du menteur là. . .

 

Ce paradoxe est beaucoup plus résistant que beaucoup de paradoxes logiques car on ne peut pas éliminer le paradoxe en disant que l'objet n'existe pas, l'adjectif hétérologique figure dans les dictionnaires.

 

On ne peut pas, non plus, arguer des effets pervers de l'infini, le nombre d'adjectifs d'une langue étant fini. 

 

De même le paradoxe ne pourrait être évacué qu'en interdisant à un adjectif de se qualifier lui-même, mais, là aussi, c’est impossible puisque cet effet est une des bases du langage.

Arbitre de football américain de dos.
arbitrage

Pour illustrer le paradoxe, supposons un adjectif signifiant par exemple «être imprimé en noir», en anglais, cela donnerait « blackprinted ».

 

Ce nouvel adjectif, comme bien d'autres que l'on pourrait former et qui ont la particularité de se qualifier eux-mêmes, sont autoréférents.

 

Rien n'interdit d'évaluer pour chacune de ses manifestations s'il est imprimé en noir et d'en déduire une valeur de vérité des propositions Q, «blackprinted is blackprinted» calculée par énumération. 

 

Pour cela, dans l'ensemble des documents écrits d'une bibliothèque par exemple, nous pourrions alors trouver que «blackprinted» apparaît imprimé seulement dix fois, dont huit en noir, ce qui donne une valeur de vérité de 0,8 à Q :

 

v(Q) = ( 2 × 0 + 8 × 1 ) / 10 = 0,8

 

Si maintenant nous incluons les documents audiovisuels pour estimer la valeur de vérité de Q, il se peut que «blackprinted» soit présent sur les enregistrements.

 

La proposition Q sera alors indéterminée pour les occurrences audio de «blackprinted» puisque dans ce cas, le mot n'est pas imprimé.

 

Ainsi, vu de cette manière, "blackprinted" n’est ni hétérologique, ni autologique et l'on s'aperçoit que la valeur de vérité d'une proposition telle que "l'adjectif X est hétérologique" peut varier continument entre 0 et 1.

 

Autrement dit, le paradoxe nous pousse à admettre que les adjectifs autoréférents sont indéfinissables, ce qui, normalement, est le rôle d’un adjectif. . .

 

Eh bin, nous voilà bien, là. . . !

 

 

paradoxegrellingnelson

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