Les illusions, le biais des coûts irrécupérables

par Jean Marie Champeau 14 Décembre 2022, 03:00 biais de jugement

 

Le biais des coûts irrécupérables

 

Abandonné.
abandonné


Novembre 2013.

 

 "le logiciel Louvois va être abandonné",

 

titrent les journaux.

 

Qualifié de "logiciel fou" par certains chroniqueurs, ou simplement non viable pour d’autres, ce programme, lancé en 2011, n'a cessé de connaître des dysfonctionnements.

 

Aux 6 millions d'euros d'achat que Louvois avait coûté, il faut ajouter «un écart de 465 millions d'euros de la masse salariale du ministère de la Défense» en 2012, selon la Cour des comptes qui, déjà le 28 mai, avait pointé du doigt le dérapage Louvois. 

 

Du coût régulier des dysfonctionnements, en passant par les embauches d'urgences pour gérer les dommages collatéraux de Louvois, c’est au total près de 1.000 personnes supplémentaires qui ont été engagées pour gérer les payes des militaires.
Une gabegie financière et des conséquences dramatiques pour de nombreuses familles.

 

On repart donc à zéro. Un appel d’offre doit être lancé dans les semaines qui viennent. . . dit-on.

 

Pour repartir pour un tour. . .

 

En septembre 2013, une commission parlementaire avait conclu, dans un rapport sur la réorganisation du ministère de la Défense, que le système n'était pas stabilisé et produisait toujours des bugs. 

 

Le rapport retenait deux hypothèses de sortie de crise : "continuer avec Louvois" en concentrant tous les moyens pour redresser la situation à partir de ce système, ou étudier le recours à un autre programme "dont le déploiement nécessiterait probablement un délai de trois ans". 

 

C'est donc cette deuxième hypothèse qui a été choisie.

 

Depuis 2011 jusqu’à novembre 2013, une question avait fait l’objet de toutes les conversations, continuer ou arrêter les frais ?

 

Il se pourrait bien que beaucoup des décideurs impliqués ont dû être victimes du biais des coûts irrécupérables.

 

Le biais

 

Les coûts irrécupérables.
les coûts irrécupérables


Le biais des coûts irrécupérables ou escalade de l’engagement(*) est la tendance qu'ont les individus à être influencés de manière irrationnelle par des décisions prises antérieurement dans le cadre d'un projet ou d'une activité, lorsque se pose la question de les poursuivre ou de les arrêter.

 

La question fantôme qui plane toujours dans ces conditions, "compte tenu de tout ce qu'on a déjà dépensé", peut conduire à un entêtement irrationnel de continuer le projet.


Le biais des coûts irrécupérables a été étudié dans les années 1980 par les psychologues américains Hal Arkes et Catherine Blumer qui ont analysé ce type de comportement.


Comme son nom l’indique, un coût irrécupérable correspond à une dépense déjà engagée et impossible à récupérer. Cela peut correspondre à une somme d’argent déboursée, mais également à du temps passé, à de l’énergie investie, etc.

 

Dans tous les cas, en théorie, ces éléments ne devraient pas interférer au moment de prendre une décision. Car, quel que soit le choix, le temps passé ne se rattrape pas, tout comme l’argent et l’énergie dépensés. 

 

Il n’y a pas que les fonctionnaires qui sont victimes du biais des coûts irrécupérables, les entreprises ne sont pas épargnées par le phénomène, bien au contraire. 

 

De façon plus générale, le biais des coûts irrécupérables peut constituer une explication au statu quo. Ainsi, certaines organisations choisissent souvent de conserver des processus peu agiles ou de continuer un projet voué à l’échec, à cause des dépenses déjà engagées. 

 

Pourtant, dans de nombreux cas, changer son fusil d’épaule permettrait de limiter les dégâts. . . .

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(*) Escalade d’engagement.

Les individus responsables d’une prise de décision financière négative, ont tendance a poursuivre leurs investissements dans le sens de leur décision initiale. Plus la responsabilité individuelle ou collective dans la décision initiale est forte, plus cette tendance à l’escalade d’engagement se manifeste.

 

Dans le domaine des négociations, on peut observer le même schéma d’escalade irrationnelle dans la tendance des négociateurs a maintenir fermement leur ligne de conduite initiale au-delà de ce que leur dictent leurs intérêts ou tout simplement la probabilité de réussite.

 

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Explications
Aversion.
aversion

 

Plusieurs réactions irrationnelles viennent faire entrave au bon sens dans une telle situation.


Revenir sur une décision implique de reconnaître ses torts. Et cette démarche, quoique bénéfique, peut s’avérer déstabilisante, voire pénible, en raison de la peur de perdre la face.

 

Selon les chercheurs, en persistant dans la décision initiale, il s’agirait de réduire une dissonance cognitive provoquée par la contradiction existant entre le fait d’avoir pris une décision engageante et le fait d’apprendre que cette décision peut s’avérer désastreuse.


C’est l’hypothèse de l’autojustification.

 

Aux yeux du décideur, l’escalade s’engage par le fait que les investissements antérieurs justifient a eux seuls, la poursuite du projet par un phénomène d’aversion aux pertes où l’on a naturellement tendance à attacher plus d’importance à ce que l’on perd qu’à ce que l’on gagne. 


La perte des coûts investis nous paraît ainsi démesurément douloureuse.

aller voir

 

 

Pour plus de détails sur le biais de l’aversion aux pertes on peut aller l’article là. . . 

 

 


Dans la décision de continuer un projet mal né, si l’argument principal est le temps passé sur le projet ou l’argent déjà dépensé, il convient de garder à l’esprit que ces arguments ne sont ni suffisants, ni même valables.

 

Pourtant certaines onéreuses usines à gaz administratives, conséquences de ce mécanisme, accouchent d’une souris lorsqu’elles finissent par tomber en marche. 

 

Mais. . . c’est pas grave, c’est l’état qui paye !

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