Gros mensonges et escroqueries en statistiques
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L'histoire économique, fourmille d'exemples de grands falsificateurs : Les Etats et leurs services statistiques, avec au sommet de l'olympe, l'ex-URSS.
Pour donner le change aux pays occidentaux, Etats-Unis en tête, la surestimation des chiffres de croissance de l’URSS devient une entreprise d'Etat à part entière. Avec un paroxysme à la veille de la grande chute finale du système.
Si les données du CSU, l'office central de la statistique d'Union soviétique, montrent bien un ralentissement de la croissance au cours des années 80, rien de très alarmant au final après des années d'avance rapide puisque 18% de hausse du revenu national sur la période 1981-1985 ce n'est finalement pas si mal.
Or, la pertinence de toute statistique repose sur la qualité des données collectées.
Dans le journal de la société statistique de Paris, la publication de 1967, "Les sources statistiques utilisées en U.R.S.S. et dans les pays d’économie planifiée", lève le voile sur le problème.
« . . .L'économiste, en tant que tel, n'a généralement accès qu'aux documents élaborés par les collectivités publiques ou privées à qui reviennent la collecte, la quantification et, habituellement, la sériation des faits. Tels, les recueils statistiques sont de seconde main, ce qui n'est pas sans inspirer de sérieuses incertitudes à l'analyste qui pressentira souvent que la quête des éléments de base a été parcellaire, voire erronée.»
Les calculs de l'économiste russe Grigory Isaakovich Hanin, cité par l'économiste-russologue Jacques Sapir, donne une toute autre vision que la version officielle du CSU : l'inflexion est la même mais pas les rythmes avec en fin de période une croissance qui s'est réduite comme peau de chagrin.
En cause, un effondrement de la productivité au milieu des années 70 montrant l'inefficacité du système qui conduira à sa perte.
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On pourrait ironiser sur ces incapables de soviétiques qui n’ont pas voulu voir leur problème, si l’on n’avait pas eu la même chose à nos portes avec le cas de la Grèce du début des années 2000.
Pour être éligible à l'euro, il lui faut alors respecter les critères de Maastricht, dont le fameux 3% de déficit public.
Que faire quand ce n'est pas le cas ? Afficher vaillamment le contraire.
Et, miracle, le déficit public en cinq ans est ramené de plus de 10 à 1,3% du PIB en 2000. La Grèce rejoint la zone euro le 1er janvier 2001 et, en bonne élève, ne dépasse jamais 2% de déficit jusqu'en 2003.
La réalité est bien différente. À aucun moment la Grèce n'a respecté ses dires et la situation se dégrade très vite à partir de 2001.
Pour bien comprendre, il faut remonter au moment où le gouvernement grec a basculé dans la fuite en avant. Tout commence avec le 3e gouvernement Simitis qui inaugure les premiers maquillages "légaux" des comptes avec la complicité de l’inénarrable expert, la banque Goldman Sachs.
Enfin officiels les comptes maquillés permettent à l'Etat grec de considérablement alléger le service de la dette, c'est-à-dire les intérêts versés. CQFD.
L'idées d'une manipulation s'ébruite dès 2004, ce qui ne va pas empêcher Athènes de transférer une partie de la dette sur une banque privée en 2005.
Le pot au rose est découvert fin 2009, mais c'était un secret de Polichinelle : au bal des hypocrites, la France et l'Allemagne ont fait mine de ne pas savoir. Leurs banques aussi.
Ben voyons !
La suspicion de 2004 relative aux finances publiques de la Grèce s'était accompagnée de la "révélation" par la presse de diverses opérations de "créativité comptable", dont certaines étaient connues depuis longtemps :
- en 2001, une opération de «swap de devises»(échange de devises), réalisée avec l'assistance de la banque Goldman Sachs, aurait, selon la presse, permis de diminuer comptablement d'un milliard d'euros le montant de la dette publique, le taux de change retenu, artificiel, permettant à Goldman Sachs de prêter de l'argent à la Grèce sans que cela n'apparaisse dans les statistiques.
- un recours fréquent à la titrisation, c'est-à-dire à la cession de créances à une entité déconsolidée qui émet des titres en contrepartie. (un truc qui sent bon l’affaire des "subprime" dont GS était spécialiste)
Tout le monde reconnaît, après coup, que les statistiques grecques ont été délibérément falsifiées.
«la statistique était inféodée au Trésor, presque «organiquement», et cette consanguinité a posé problème. (...) Les statisticiens grecs étaient dans une situation qui ne correspondait pas à la norme de déontologie.».
La crise grecque traduit donc bien plus qu'un simple problème de statistiques publiques. Elle résulte d'un dysfonctionnement global des institutions publiques grecques.
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Parmi les grandes escroqueries statistiques, l'inflation en Argentine est entrée dans les annales.
La cause immédiate de la crise est le choix des autorités argentines, au début des années 1990, d'utiliser la technique du currency board (émission de monnaie) liée directement au dollar pour stabiliser une économie marquée par une inflation presque permanente depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ce système très particulier permet l'embellie des années 1990, mais se révèle particulièrement dangereux face aux mouvements erratiques et violents du marché des changes qui suivent la crise économique des pays asiatiques trop endettés en devises étrangères et qui ont du mal à rembourser les dollars.
Le système sombre lorsque l'économie mondiale entre en récession avec la crise de la bulle Internet au début des années 2000.
La récession Argentine est amplifiée par les mesures d'économie drastiques exigées par le Fonds monétaire international (FMI), en contrepartie de son aide en dollars.
Le plan argentin de conversion de dette a pour conséquence des pertes sévères pour les créanciers privés et entraîne une hausse spectaculaire de la pauvreté ainsi que d'importants mouvements sociaux et de rapides changements politiques.
Les conséquences les plus durables sont les difficultés récurrentes des gouvernements à financer leurs budgets, le départ du pays de certains investisseurs industriels et une nette diminution de la confiance des créanciers privés.
L'inflation devient galopante en 2006, or, l'indice des prix sert d'étalon pour revaloriser les pensions retraites ou les salaires.
Pour la contrôler, le gouvernement du Péroniste Néstor Kirchner subventionne alors certains produits et encadre l'évolution des prix d'autres. Mais rien n'y fait, l'inflation flirte avec les 12% courant 2006.
C'est alors que la solution semble être trouvée: la prise de contrôle de l'INDEC, l'équivalent de l'INSEE en France, licenciement des personnes en charge du calcul et de la publication de l'inflation et modification de son calcul.
On commence à comprendre. Le taux d'inflation repart à la baisse pour passer très vite sous les 10%.
Mais cela exaspère la population et les économistes indépendants. . . qui publient leur propre indice.
Et là pas de miracle, l'inflation calculée par les économistes est le double du taux officiel. La réplique ne tarde pas : en février 2011, les économistes ou institutions publiant leurs propres estimations de l'inflation sont menacés de sanctions financières, voire de peines de prison.
Il fallait oser.
L'histoire prend fin quand le FMI menace à son tour l'Argentine d'exclusion de l'institution, une première. Un nouvel indice des prix est calculé, étrangement plus proche de l’indice officieux des économistes que de l'ex-indice officiel.
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Sources
https://quanti.hypotheses.org/1248
Pierre Mercklé, “Mensonges et statistiques”, QUANTI / Sciences sociales, 21 mai 2017,
https://quanti.hypotheses.org/1248 (consulté le 17 février 2024).
https://esprit-riche.com/mensonges-et-statistiques/
http://www.volle.com/travaux/statistique.htm
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/statistiques-mensonges-et-escroqueries-583949.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Xerfi
https://www.zinfos974.com/petits-mensonges-gros-mensonges-et-statistiques/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_Demonque
https://fr.wikipedia.org/wiki/Why_Most_Published_Research_Findings_Are_False
http://www.numdam.org/item/JSFS_1967__108__290_0.pdf
https://www.senat.fr/rap/r09-374/r09-3744.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Swap_de_devises
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_%C3%A9conomique_argentine
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9sident_de_la_Nation_argentine
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_chefs_d'%C3%89tat_argentins
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_%C3%A9conomique_asiatique
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URSS
Photo de Soviet Artefacts sur Unsplash
Santorin, Grèce
Photo de Tânia Mousinho sur Unsplash
Manifestation à Buenos Aires en 2002, où on peut lire : «Banques, voleurs, rendez-nous nos dollars !».
Par Pepe Robles — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=711584
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/28/Cacerolazo_Argentina_2001-2002.jpg