Le manuscrit de Voynich
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Le manuscrit de Voynich est un livre illustré anonyme d’environ 250 pages rédigé dans une écriture à ce jour non déchiffrée.
On y retrouve des illustrations de plantes qui ne ressemblent à aucune espèce connue.
Grâce à la datation au carbone 14, on a pu évaluer l’époque de son origine au 15e siècle.
Le nom du manuscrit provient du négociateur-libraire polonais qui en a fait l’acquisition en 1912. Son premier propriétaire confirmé était Georg Baresch, un alchimiste de Prague du 17e siècle, qui tenta d’en découvrir les origines, sans succès.
Tel qu'il se présente de nos jours, l’ouvrage est constitué de 234 pages de 15 cm de large et 23 cm de haut. L'examen des cahiers montre qu'il manque une bonne dizaine de folios et la couverture n'a pas été conservée.
Une plume d'oie a été utilisée pour le texte et le contour des figures, dont certaines sont rehaussées d'une manière parfois grossière.
Il semble qu'à l'origine le livre comprenait au moins 272 pages, réparties en vingt cahiers dont subsistent 18 cahiers comptant généralement 8 folios. 225 pages mélangent textes et illustrations en couleurs (brun, vert, bleu et, dans quelques cas, rouge et jaune). 33 pages ne contiennent que du texte.
Le livre doit son nom à Wilfrid M. Voynich, qui l'a découvert en 1912 à Frascati, près de Rome, dans la bibliothèque d'une communauté de jésuites.
Vers 1912, le Collège romain décida de vendre, très discrètement, quelques-uns de ses biens. Wilfrid Voynich acheta trente manuscrits, parmi lesquels celui qui porte maintenant son nom.
Après sa mort en 1930, sa veuve, la romancière Ethel Lilian Voynich, née Boole, fille du mathématicien, hérita du manuscrit. Elle mourut en 1960 et laissa le manuscrit à son amie proche, Anne Nill. En 1961, Anne Nill vendit le livre au marchand de livres anciens Hans P. Kraus. Incapable de trouver un acheteur, Kraus en fit don à l'université Yale en 1969.
Le manuscrit est maintenant propriété de l'Université de Yale et disponible en ligne sur https://archive.org/details/TheVoynichManuscript.
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Le texte est clairement écrit de gauche à droite, avec une marge à droite quelque peu inégale.
Il n'y a aucun signe évident de ponctuation. Le tracé des lettres est fluide, ce qui laisse penser que le scribe comprenait ce qu'il écrivait au moment de la rédaction. Le manuscrit ne donne pas l'impression que les caractères aient été apposés un par un, caractéristique qui apparaît dans le cas d'un chiffrement compliqué.
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L'écriture n'est toutefois pas toujours soignée : par endroits, l'auteur doit resserrer les interlignes par manque de place. C'est particulièrement visible sur un texte ondulé qui suggère que le scribe n'était probablement pas un copiste professionnel.
Le texte comprend plus de 170.000 signes, écrits avec un ou deux traits. et normalement séparés les uns des autres par de fins interstices.
On pense que l'alphabet du manuscrit de Voynich comprend entre 20 et 30 signes. Certains caractères inhabituels apparaissent ici et là ; on en dénombre une douzaine de ce type.
Des espacements plus larges divisent le texte en 37.000 mots environ, de taille variable. Il semble que le texte suive des règles phonétiques ou orthographiques.
Une analyse fréquentielle révèle des caractéristiques semblables aux langues naturelles. Par exemple, la fréquence des mots suit la loi de Zipfe(*1) et la quantité d'information est similaire aux textes en anglais ou en latin.
Certains mots n'apparaissent que dans des parties précises ou sur quelques pages, d'autres sont disséminés dans tout le manuscrit. Les répétitions au sein des légendes des figures sont rares.
Le langage du manuscrit de Voynich diffère sensiblement des langues européennes. Par exemple, il n'y a pratiquement aucun mot avec plus de dix symboles, et presque aucun mot de moins de trois lettres. La distribution des lettres à l'intérieur d'un mot est atypique pour l'Occident : certains caractères n'apparaissent qu'au début d'un mot.
Le texte semble être plus redondant que la plupart des langues européennes, certains mots apparaissent parfois trois fois à la suite. Les mots qui se différencient par une seule lettre sont présents avec une fréquence inhabituelle.
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(*1) La loi de Zipf est une observation empirique concernant la fréquence des mots dans un texte. Elle a pris le nom de son auteur, le luinguiste américain George Kingsley Zipf en 1935.
Zipf avait entrepris d'analyser une œuvre monumentale de James Joyce, Ulysse, d'en compter les mots distincts et de les présenter par ordre décroissant du nombre d'occurrences.
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le mot le plus courant revenait 8.000 fois ;
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le dixième mot 800 fois ;
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le centième, 80 fois ;
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et le millième, 8 fois.
La loi de Zipf prévoit que dans un texte donné, la fréquence d'occurrence f(n) d'un mot est liée à son rang n dans l'ordre des fréquences par une loi de la forme :
f(n) = K/n
où K est une constante.
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Malgré les nombreuses tentatives des cryptographes, la nature exacte de ce document, sa destination et son auteur restent une énigme : s'agit-il d'un herbier, d'un traité d'alchimie, d'une œuvre ésotérique, d’un ouvrage médical ou simplement d'une mystification ?
Cette ambiguïté a contribué à en faire l'un des documents les plus célèbres de l'histoire de la cryptographie.
La plus ancienne mention connue de ce manuscrit date de 1639 et figure dans une lettre de Athanasius Kircher(*2).
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(*2) Athanasius Kircher est un prêtre jésuite allemand du 17e siècle. Orientaliste distingué, et esprit éminemment encyclopédique, Kircher est un des savants les plus importants de l'époque baroque.
Fuyant la guerre de Trente Ans, il se réfugie à Avignon où il construit un observatoire et publie un essai sur la gnomonique. Il parvient à intégrer le réseau d'érudits établi par Nicolas-Claude Fabri de Peiresc en faisant croire qu'il possède un manuscrit rare écrit en arabe, copte et égyptien ancien.
Les quelque trente-neuf livres qu'il écrit touchent les mathématiques, l'astronomie, la musique, l'acoustique, l’archéologie, la chimie, l'optique, la médecine, les langues orientales, la volcanologie et d'autres sujets « curieux » même si moins scientifiques : la kabbale, l’occultisme, etc. Ces livres fourmillent d’intuitions et d’hypothèses diverses dont il laisse à ses successeurs la tâche de les confirmer ou infirmer.
Kircher laissa un mégaphone de son invention. Il inventa un système destiné à engendrer des partitions musicales, ce qui fait de lui le père de la musique algorithmique générative. Toujours dans le registre musical, il est l'auteur de propositions d'instruments de musique automatisés, notamment des orgues actionnées hydrauliquement.
Sans doute le plus grand polyglotte de son temps, Kircher s'intéressa à l'origine des langues, étudia la langue copte et la vue des obélisques à Rome le tourna vers l'égyptologie. Kircher estimait que les signes hiéroglyphiques étaient des symboles. On le déclare également père de l'égyptologie.
Même s'il ne connaissait pas le chinois, cela ne l’empêcha pas de publier une China monumentis illustrata, révélant surtout sa grande capacité à se documenter et son esprit encyclopédique.
Il observa en Sicile une éruption de l’Etna et voyagea à Malte pour y étudier les courants marins, les volcans et tremblements de terre. Il en tira des conclusions intéressantes et écrivit le premier traité de géologie.
Outre la lanterne magique et le microscope, il inventa une machine à calculer et le pantographe pour faciliter l’étude de la géométrie.
Il étudie la Bible à sa manière également, calculant les dimensions de l’arche de Noé, de la tour de Babel, et du Temple de Salomon.
En revanche, au contraire d'autres grands hommes de science de son époque comme Newton, ou Robert Boyle, il rejettait complètement l'alchimie.
Il créa au Collège romain un musée des sciences et d’ethnographie, le premier du genre, où il rassembla des curiosités envoyées par des missionnaires jésuites du monde entier et où il démontrait aux visiteurs sa propre lanterne magique. Ce musée a disparu lors de la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773.
C'est dans une de ses lettres, datée de 1639, que se trouve la plus ancienne mention connue à ce jour du manuscrit de Voynich.
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Les illustrations du manuscrit donnent peu d'indications sur le contenu exact mais permettent de distinguer six sections, consacrées à des sujets différents, avec un style qui varie.
Mis à part la dernière section, constituée uniquement par du texte, presque toutes les pages contiennent au moins une illustration.
C'est d'après ces illustrations que les chercheurs ont déterminé l'articulation.
Herbier : 112 pages (en trois endroits, total 130 pages et 126 plantes).
Chaque page contient une plante, parfois deux, accompagnées de paragraphes.
Le tout est présenté selon le style européen des herbiers de l'époque.
Certaines parties sont des agrandissements et des versions améliorées des esquisses présentes dans la partie pharmacologie (l'avant-dernière section).
Astronomie : 34 pages dont 26 de dessins. Des diagrammes d'astres comme des soleils, des lunes et des étoiles suggèrent que le contenu porte sur l'astrologie et l'astronomie.
Une série de 12 diagrammes représente les symboles des constellations du Zodiaque. Les deux dernières pages de cette section, qui concernaient le Verseau et le Capricorne, ont été perdues. Quant au Bélier et au Taureau, les pages qui leur sont consacrées sont divisées en deux paires de schémas avec 15 étoiles chacun. Certains de ces dessins sont sur des pages qui peuvent être dépliées.
Biologie ou balnéothérapie : 19 pages et 28 dessins. Un texte dense et continu parsemé de dessins qui représentent principalement des femmes nues se baignant dans des bassins ou nageant dans un réseau de tubes. La forme d'une partie de cette plomberie fait penser à des organes. Certaines de ces femmes portent des couronnes.
Cosmologie : 4 pages. Des diagrammes circulaires à la signification obscure. Cette section possède également des dépliants. L'un d'entre eux s'étale sur six pages et contient des cartes de 9 « îles » reliées par des chemins avec la présence de châteaux et de ce que l'on suppose être un volcan.
Pharmacologie : 34 pages. Plusieurs dessins de plantes avec une légende. Les figures décrivent des parties des végétaux, les racines, les feuilles, etc. . ., ce qui suggère un guide destiné à un apothicaire. Des objets dans les marges ressemblent aux pots utilisés par les pharmaciens de l'époque, les pages sont clairsemées avec seulement quelques paragraphes de texte.
Recettes : 23 pages. 324 paragraphes assez courts au texte dense, chacun étant marqué d'une puce en forme de fleur ou d'étoile.
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Des chercheurs ont proposé que le manuscrit de Voynich serait de l'hébreu visuellement codé.
Une fois les lettres du manuscrit de Voynic transcrites en caractères latins, beaucoup de mots peuvent être lus comme des mots hébreux qui se répètent avec des distorsions, comme pour troubler le lecteur.
Par exemple, le mot "ain" du manuscrit est un mot hébreu pour "œil" et il apparaît aussi sous d'autres formes comme "aiin" ou "aiiin", pour donner l'impression qu'il s'agit de mots différents alors qu'ils sont probablement identiques.
Un argument en faveur de cette méthode est qu'elle expliquerait le manque de succès des autres chercheurs basant leurs tentatives de déchiffrement sur des approches plus mathématiques.
En outre, cette technique du chiffrement visuel est redoutable car elle induit une accablante charge de travail pour le déchiffrement du texte.
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Les caractéristiques étranges du texte du manuscrit de Voynich, comme le doublement ou le triplement de mots, et le contenu suspect de ses illustrations, comme les plantes chimériques, ont fait penser que ce manuscrit était peut-être une mystification, voire une escroquerie.
De nombreuses hypothèses ont été émises au sujet de l’auteur du manuscrit. Elles font intervenir plusieurs personnages, érudits, alchimistes, et même faussaires du 17e siècle.
Il me semble logique de considérer la solution la plus simple, c’est à dire que l’auteur du manuscrit de Voynich, n’est autre que Athanasius Kircher, lui même, qui a vécu jusqu'en 1680. Il amorce lui même la pompe à suppositions dans sa lettre de 1639, la plus ancienne mention connue du manuscrit, sa qualité de prélat le mettant à l’abri des soupçons, mais ce n’est pas le premier religieux de cette époque qui aurait mis un coup de canif dans le contrat.
Plusieurs arguments plaident en faveur de cette hypothèse :
- L’analyse au carbone14 montre que le manuscrit, papier et encre, datent du 15e siècle, période proche mais antérieure aux années 1600, où ces éléments auraient pu être considérés comme "vieux" par un faussaire voulant fabriquer un étrange document "ancien".
- Kircher est suffisamment érudit pour développer des idées imaginaires en leur laissant une once de vérité et ce, dans de nombreux domaines scientifiques(*2).
- Enfin, si Kircher est capable d'inventer et décrire toutes sorte d'objets étranges, il n'a pas suffisamment de fibre artistique pour soigner l'écriture et les illustrations.
- Par sa connaissance de la cryptographie kabbaliste, il peut avoir conçu une codification de type phonétique et avoir parsemé son texte de leurres pour déjouer le déchiffrement.
- Il est prouvé, et c'est le plus important, que ce jésuite allemand à usé d'un stratagème similaire, faisant croire qu'il possédait un manuscrit rare pour intégrer un réseau d'érudits. De là, a créer soi-même l'objet d'un subterfuge, il n'y a qu'un pas.
Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuscrit_de_Voynich
https://www.nationalgeographic.fr/sciences/le-mysterieux-manuscrit-de-voynich-aurait-il-ete-decrypte
https://www.apprendre-en-ligne.net/crypto/mystere/voynich.html
https://www.caminteresse.fr/histoire/le-manuscrit-de-voynich-enfin-decrypte-93334/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Zipf
https://archive.org/details/TheVoynichManuscript.
https://knarf.english.upenn.edu/People/albertus.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_le_Grand
https://fr.wikipedia.org/wiki/Athanasius_Kircher
https://fr.wikipedia.org/wiki/European_Voynich_alphabet
https://archive.org/details/TheVoynichManuscript.
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Une des pages du manuscrit
avec ses dessins et ses textes énigmatiques.
Par Auteur inconnu — Beinecke Rare Book & Manuscript Library, Yale University ([1])., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7981580
Les symboles utilisés dans le manuscrit de Voynich.
Par WolfgangRieger — Modified from https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Voynich_EVA.png, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=49319376
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/47/Letters_Voynich_Manuscript.jpg
Un extrait du texte du manuscrit Voynich.
Par R.O.Cderivative work: Kbh3rd (talk) — Voynich.png, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8674805
la section consacrée à l'herboristerie avec des illustrations de plantes.
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=131761
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e6/F34r.jpg/800px-F34r.jpg
La table de conversion appelée European Voynich Alphabet, ou EVA.
Par WolfgangRieger — User created, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1480774
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c1/Voynich_EVA.png
trois pages extraites du manuscrit incluent un schéma qui semble de nature astronomique.
Par Auteur inconnu — Beinecke Rare Book & Manuscript Library, Yale University,
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=131769
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0f/68r.jpg