L'illusion du signal Wow

par Jean Marie Champeau 14 Février 2025, 03:00 nature

 

Le signal Wow

Listing reproduisant l'intensité du signal Wow commenté par l'astrophysicien Jerry R. Ehman. Chaque lettre correspond à un niveau d'intensité. La lettre U correspond au pic d'intensité. 
listing reproduisant l'intensité du signal Wow


15 août 1977. 


Le radiotélescope de l’Université de l’Ohio surnommé "Big Ear" (Grande oreille) capte pendant 72 secondes un signal de forte intensité, trente fois supérieur au bruit de fond de l’univers. 

 

L’étrange phénomène n’est découvert que quelques jours plus tard, quand un technicien apporte les relevés au domicile de Jerry Ehman, bénévole pour le projet SETI.

 

Parcourant les imprimés, le scientifique aperçoit une séquence alphanumérique très inhabituelle. Au milieu des "1" et des "2", qui indiquent des niveaux standards, apparaissent des lettres, ce qui signifie que les ondes radio perçues sont au moins dix fois plus intenses que la normale. Estomaqué, Ehman entoure la suite "6EQUJ5" au stylo rouge et marque sa surprise dans la marge d'un commentaire devenu célèbre.: "Wow !". 


Ni astéroïde, ni planète, ni satellite, de quoi peut-il s’agir ? Il y aurait bien une autre explication… celle d’un signal envoyé par une intelligence extraterrestre ?

 

Pendant 40 ans, le mystère est resté inexpliqué. En 2012, une "réponse" au signal "Wow !" est même envoyée par l’observatoire d’Arecibo pour le 35e anniversaire du signal. 

 

Elle est restée sans réponse.   

 

La question 



Les progrès de l'astronomie donnent du poids aux partisans du principe selon lesquels la Terre et l'évolution des espèces ayant conduit à l'apparition de l'homme, constituent des caractéristiques banales dans l'Univers qui sont donc sans doute partagées avec d'autres planètes. 


Le paradoxe de Fermi met en évidence que, jusque-là aucune civilisation extraterrestre ne nous a contactés alors que l'ancienneté de notre Galaxie est de 10 milliards d'années, ce qui aurait dû permettre à certaines d'entre elles de laisser des traces dans notre Système solaire.


«S’il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc?». 

La Plaque Pioneer.
aller voir

 

Pour avoir plus de détail sur le paradoxe de Fermi, on peut aller voir l’article là. . .

 

SETI
Le point d’eau. La fenêtre micro-onde dans laquelle se situe le point d'eau est représentée par le radiotélescope à droite, entre 1 et 10 GHz.
Le point d’eau

 

Les progrès de la radioastronomie et le début de l'ère spatiale incitent des astronomes à tenter de percer cette énigme en analysant de manière systématique les signaux radio susceptibles de constituer les signatures de civilisations extraterrestres. 

 

La recherche active de signaux traduisant la présence de la vie intelligente dans l'Univers débute en 1959 avec la publication dans la revue scientifique Nature d'un article sur le sujet.

 

Les auteurs, Giuseppe Cocconi et Philip Morrison, deux scientifiques de l'université Cornell dans l’état de New York, émettent l'hypothèse que si des êtres intelligents existent dans l'Univers, ils tenteront de prendre contact avec les civilisations d'autres systèmes solaires. 

 

Le premier projet, Search for Extra-Terrestrial Intelligence, ("Recherche d’intelligence extraterrestre") généralement désigné par son acronyme SETI, est lancé en 1960 à l'initiative de l'astronome Frank Drake.

 

Celui-ci observe les émissions radio en provenance de deux étoiles proches dans une partie du spectre électromagnétique peu perturbée par le bruit de fond galactique en utilisant le radiotélescope de Green Bank dans le spectre électromagnétique correspondant au point d'eau.(*1) 

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(*1) En radioastronomie, le point d'eau fait référence à une fenêtre du spectre électromagnétique située entre 1.420 et 1.666 mégahertz, c'est-à-dire aux longueurs d'onde situées entre 18 et 21 centimètres. Cette fenêtre est délimitée par le radical hydroxyle (OH), qui possède une raie d'émission à 18 centimètres, et l'hydrogène, qui en a une à 21 centimètres. Les deux composés réunis donnent de l'eau, d'où le nom de cette plage de longueurs d'onde.

 

 

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Le radiotélescope de 26m de Green Bank a joué et joue encore un rôle de premier plan dans le programme SETI.
Le radiotélescope de Green Bank


Frank Drake pointe ses instruments vers les étoiles Tau Ceti et Epsilon Eridani en n'observant qu'une seule longueur d'onde, la raie d'émission de l'hydrogène (1.420 MHz). Ce premier projet SETI ne fournit aucun résultat positif, malgré 200 heures d'observation.

 

Un an plus tard l'Académie nationale des sciences américaine organise une réunion dans le but de mettre au point une technique de recherche applicable au SETI dont l’un des résultats est l'équation de Drake(*2) qui tente de poser sous forme d'équation le nombre de civilisations extraterrestres existant dans la Galaxie et donc en mesure d'entrer en contact avec la Terre. 


Malgré les efforts et les moyens mis en jeu, aucun des signaux reçus ne semble présenter les caractéristiques d’un "allo" interstellaire. 

 

Sauf un, le 15 aout 1977. Le signal radio, d’une durée de 72 secondes, correspondait tellement au profil attendu d’un signal extraterrestre que l’astrophysicien Jerry Ehman, qui fit l’observation, marqua le célèbre "Wow !"

 

Il n’existait aucune explication physique quant à son origine, et sa nature restait une énigme.


Durant les 20 années qui suivirent, des dizaines de radiotélescopes furent braqués sur la région de l’espace d’où le Wow avait été capté.

Une instrumentation améliorée fut mise au point permettant d'observer simultanément 250 millions de fréquences entre 1.400 et 1.700 MHz, à partir de 1995 à Harvard.

 

Mais le signal ne se manifesta plus jamais.

 

Cette unicité fit douter Jerry Ehman de la nature extraterrestre du signal. Selon lui, si le signal provenait d’une intelligence essayant de communiquer, il aurait dû être entendu à nouveau.

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(*2) Voir aussi dans l’article "le paradoxe de Fermi" où l’on voit que le résultat est positif, suggérant la possibilité d’une telle rencontre.

 

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Explication
La comète 266P
La comète 266P


En 2015, Antonio Paris, professeur d’astronomie et directeur de l’astronomie au Museum of Science & Industry de Chicago, développe une hypothèse. Il trouve que 2 comètes, la 266P/Christensen et la P/2008 Gibbs, passaient dans le ciel, en face du télescope, cette fameuse nuit d’août. 

 

Or, ces 2 comètes n’ont été découvertes qu’en 2006 et 2008, donc inconnues en 77. 

 

Comme toutes les comètes, elles sont suivies d’une trainée de gaz composée d’hydrogène, qui a une "signature" radio. 

 

Le professeur suppose alors que le fameux signal "Wow" proviendrait de l’hydrogène de ces comètes qui émet à la fréquence 1420,25 MHz, la même que le signal attendu. 

 

Quant à la force du signal de 1977, elle serait justifiable, selon lui, par la taille du radio télescope Big Ear, utilisé en 1977, et la taille de la comète 266P, qui était beaucoup plus grosse à l’époque. 

 

Vieux de plusieurs décennies, le mystère du signal "Wow !" était enfin expliqué.

 

Le responsable était une comète.

 

Epilogue
Vue aérienne du télescope avec un trou de 30 mètres dans la parabole, le 19 novembre 2020 à Arecibo, à Porto Rico
le télescope d'Arecibo avec un trou de 30 mètres

 

Les financements se faisant de plus en plus rares, le radiotélescope Big Ear de l’Université de l’Ohio fut démonté en 1998 pour laisser la place à un terrain de golf.

 

Les observations se sont achevées à Harvard en 1999, lorsque l'antenne parabolique du radiotélescope fut endommagée par une tempête.

 

Deux câbles soutenant les 900 tonnes des instruments du télescope au-dessus de la parabole de 305 mètres de diamètre du célèbre télescope d'Arecibo, à Porto Rico, avaient rompu le 10 août et le 6 novembre 2020, le 19 novembre une partie de la parabole s’effondra, poussant la Fondation Nationale des Sciences Américaines à annoncer son démantèlement, après 57 ans de service.



Il n’a pas été trouvé d’abonné au numéro que nous avons demandé.

 

signalwow

Photos

Listing reproduisant l'intensité du signal Wow commenté par l'astrophysicien Jerry R. Ehman. Chaque lettre correspond à un niveau d'intensité. La lettre U correspond au pic d'intensité.

Par Credit: Big Ear Radio Observatory and North American AstroPhysical Observatory (NAAPO). — http://www.bigear.org/Wow30th/wow30th.htm, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4568335

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d3/Wow_signal.jpg

 

Le paradoxe de Fermi

Plaque Pioneer

Par Vectors by Oona Räisänen (Mysid); designed by Carl Sagan & Frank Drake; artwork by Linda Salzman Sagan — Vectorized in CorelDRAW from NASA image [1], Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1433765

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/02/Pioneer_plaque.svg/1024px-Pioneer_plaque.svg.png

 

Le point d’eau

Opacité électromagnétique de l'atmosphère. La fenêtre micro-onde dans laquelle se situe le point d'eau est représentée par le radiotélescope à droite, entre 1 et 10 GHz.

Par Atmospheric_electromagnetic_opacity.svg: NASA (original); SVG by Mysid.derivative work: Hugooguh — Ce fichier est dérivé de : Atmospheric electromagnetic opacity.svg:, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21379154

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/08/Opacit%C3%A9_%C3%A9lectromagn%C3%A9tique_de_l%27atmosph%C3%A8re.svg/1280px-Opacit%C3%A9_%C3%A9lectromagn%C3%A9tique_de_l%27atmosph%C3%A8re.svg.png

 

Le radiotélescope de 26m de Green Bank a joué et joue encore un rôle de premier plan dans le programme SETI.

Par Cyberbaud — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3877445

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/bc/Green_Bank_Telescope.jpg/800px-Green_Bank_Telescope.jpg

 

La comète 266P

Aug. 28, 2012

O.Burhonov & A.Novichonok

http://www.aerith.net/pictures/novichonok/p2006u5_20120828.jpg

 

le télescope d'Arecibo avec un trou de 30 mètres

Vue aérienne du télescope avec un trou de 30 mètres dans la parabole, le 19 novembre 2020 à Arecibo, à Porto Rico

AFP - RICARDO ARDUENGO

https://www.sciencesetavenir.fr/assets/img/2020/12/01/cover-r4x3w1200-5fc64f37eb6e2-7d0630d0633852c722c01797fe9dc9760bfc6b00-jpg.jpg

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