L'illusion du mystère de l'Ourang Medan

par Jean Marie Champeau 18 Avril 2025, 02:00 curiosité expérimentale

 

Le mystère de l'Ourang Medan

 

Un bâtiment semblable à Ourang Medan. 
un bâtiment semblable à Ourang Medan 

 

Juin 1947.

 

"... all officers including Captain dead, lying in chartroom and on bridge, ... probably whole crew dead, ..." 

("tous les officiers, y compris le capitaine, décédés, couchés dans la salle des cartes et sur le pont, ... probablement tout l'équipage mort"). 

Le message s’achève après une série de points et tirets indéchiffrables "I die" ("Je meurs").


Ce message était envoyé d'un cargo allemand, l'Ourang Medan(*1).

 

Le temps est clair, la mer est calme, deux bâtiments réussissent à définir l’emplacement du SOS, grâce une triangulation avec deux stations de radio anglaises et hollandaises. Près de l’emplacement supposé, navigue le Silver Star, un bateau de marchandises américain. Le bâtiment se déroute pour tenter d’apporter de l’aide au navire en détresse. 

 

Les marins trouvent l'épave à une cinquantaine de miles de la position donnée. Après plusieurs appels infructueux, le capitaine du Silver Star décide d’aborder l’embarcation, il n’y a plus personne de vivant à bord. 

 

Le capitaine est allongé mort sur le pont, les autres officiers et membres d’équipage retrouvés morts dans les diverses parties du navire. Le lanceur du message est retrouvé mort sur sa chaise dans la salle de radio. 

 

Il semble que les victimes soient décédées très rapidement mais dans la souffrance. Pourtant aucune trace de violence ou de blessures n’est visible, et le bâtiment ne montre aucune avarie.

 

Selon un rapport relayé par une lettre envoyée à la CIA :

"leurs visages froids étaient tournés vers le soleil, la bouche ouverte et les yeux grands ouverts... Tout le monde était mort. Même le chien du navire, un petit terrier, sans vie, les dents découvertes de colère ou d'agonie".

Une illustration d’explosion de bateau.
illustration d’explosion

 

 

Le capitaine du Silver Star décide de remorquer le navire jusqu’au port le plus proche, mais lorsqu’ils entament la manœuvre, les marins aperçoivent une fumée qui s’échappe du pont inférieur.

 

Ils ont juste le temps de détacher les liens avant qu’une explosion impressionnante scinde le navire en deux, et l’envoie par le fond.


La première apparition de cette histoire est une série de 3 articles dans le journal hollandais et indonésien De locomotief: (3 février 1948, 28 février 1948, 13 mars 1948). qui mentionne déjà un doute sur la véracité de l'histoire dans le titre de l'article : "Le mystère de l'Ourang Medan, mythe ou réalité".

 

La plus ancienne référence anglaise connue au bateau et à l'incident daterait de mai 1952 et serait parue dans Proceedings of the United States Merchant Marine Council, publiée par United States Coast Guard. 

 

D'après l'histoire, le Ourang Medan aurait pris la mer d'un petit port chinois dont le nom n'aurait pas été mentionné en direction du Costa Rica. Il aurait délibérément évité les autorités. 

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(*1) Le mot Ourang (aussi écrit Orang) vient du malaisien ou de l'indonésien et signifie "homme" ou "personne". Medan est la ville la plus importante des îles indonésiennes de Sumatra, ce qui donne une traduction approximative d' "homme de Medan".

 

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Théories possibles sur les causes de l'accident

Une pile de bidons de gaz.
gaz


Dans la mesure où le bateau a sombré, l’enquête sur les causes de l’accident s’avère quasi impossible et on en est réduit à des conjectures.

 

 

L'empoisonnement au monoxyde de carbone

 

Le cargo était probablement mal entretenu et un feu couvant qui n’aurait pas été détecté ou un dysfonctionnement dans les chaudières du bateau auraient pu être responsables du naufrage du navire. 

 

Le monoxyde de carbone pourrait être à l'origine de la mort de tout l'équipage à bord avec le feu devenant hors de contrôle et cela aurait conduit le vaisseau à sa destruction.

 

Cependant, on peut observer que les attitudes de souffrance des marins morts qui ont été décrites ne correspondent pas aux symptômes que ressentent les intoxiqués au monoxyde de carbone, lesquels sont plutôt une grande fatigue, des nausées, la paralysie musculaire avant la perte de conscience.

 

 

La cargaison de matières dangereuses


Les premières hypothèses émises suggèrent que l'Ourang Medan aurait pu être impliqué dans des opérations de contrebande de substances chimiques telles que le cyanure de potassium et la nitroglycérine utilisés en temps de guerre.

 

D'après ces théories, l'eau de mer aurait pénétré dans les soutes du bateau et aurait réagi avec la cargaison en émettant des gaz toxiques, gaz qui auraient causé la mort de l'équipage par asphyxie et/ou par empoisonnement. Plus tard, l'eau de mer aurait réagi avec la nitroglycérine, causant le feu puis l'explosion.

 

 

Une cargaison d'agent neurotoxique


Selon une autre théorie, le bateau aurait transporté de l'agent neurotoxique que les militaires japonais stockaient en Chine durant la guerre.

 

À la fin de la guerre des scientifiques japonais auraient été amnistiés, afin qu’ils partagent avec les américains leurs recherches sur les armes bactériologiques effectuées au camp 731(*2). Mais pour ce faire, il fallait déplacer les laboratoires et les produits toxiques en direction des Etats-Unis.

Aucun navire américain n'aurait pu transporter cette cargaison sans laisser de traces écrites. Pour cette raison, la cargaison aurait été chargée sur un bateau non enregistré pour être transportée en direction des États-Unis ou d'îles dans le Pacifique.

 

On peut supposer donc que les membres d’équipe de l’Ourang Medan ne savaient probablement pas ce qu’ils transportaient même s’ils étaient habitués à convoyer des marchandises illicites.

 

Dans ce contexte, on peut observer que l’épisode de l’explosion du navire puis de sa disparition dans les abîmes, rendant impossible son remorquage, prend un sens particulier.

 

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(*2) L’unité 731 fut fondée en 1932 par un éminent bactériologiste japonais Shiro Ishii. Le but de cette unité clandestine dans un premier temps fut de créer les plus performantes armes bactériologiques pour assurer la victoire des japonais sur leurs éventuels ennemis.

 

Fin 1946, eu lieu à Tokyo un procès comparable à celui de Nuremberg en 1946, qui accusait 24 des hauts dirigeants nazis de la seconde guerre mondiale. Le procès de Tokyo jugea les hommes politiques impliqués dans le conflit contre les chinois, responsables des crimes effectués à Nankin en 1937 et des atrocités effectuées dans le camp 731 sur des sujets humains.

 

Cependant, aucun membre de l'Unité 731 ne fut jugé, condamné, ni même inquiété lors de ce procès. En effet, l'existence d'un pacte secret formulé entre Shiro Ishii et le Colonel Douglas MacArthur en 1947, garantissait l'immunité et le secret sur les atrocités commises sur 3.000 à 10.000 civils et soldats chinois, russes, coréens, et occidentaux, en échange des résultats des recherches de l'Unité 731.

 

Shiro Ishii ne fut finalement pas jugé et fini sa vie paisiblement avec sa femme sans jamais avoir été inquiété. Le Japon refuse encore aujourd'hui d'admettre les activités de l'Unité 731 mais mentionne tout de même l'existence d'un tel camp. Néanmoins, cette parcelle de l'histoire reste, aujourd'hui, cachée des manuels scolaires et historiques au Japon, en Chine, et aussi dans de nombreux autres pays et c'est pour cela que l'on en entend rarement parler. La destruction des camps et de leurs recherches empêche de démontrer leurs activités.

 

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Enquête

Roy Bainton.
Roy Bainton


L’auteur et historien Roy Bainton, qui s’est intéressé à l’histoire, a recherché en vain des documents concernant le SS Ourang Medan. 

Ni la Lloyd Shipping, ni le dictionnaire des désastres maritimes n’ont fait mention de ce navire. 

 

De surcroît, aucun enregistrement ne faisant état d'un bateau nommé Ourang Medan n'a pu être localisé et cela dans de nombreux pays.

 

 

Bien que relayé par diverses sources, la véracité de cette histoire reste soumise à controverse. Compte tenu des versions différentes de l'histoire, l'absence de traces de ce navire dans les registres maritimes, laissait supposer que soit l’histoire était un canular journalistique soit que le navire était maquillé pour la contrebande.


Une question demeurait cependant, pourquoi le bateau a explosé et sombré alors qu’il ne semblait pas y avoir d’incendie en cours ? 

 

Alors qu’il s’apprêtait à laisser tomber l’affaire, Roy Bainton fut contacté par une personne qui lui remit un cahier de 32 pages écrit par un certain Otto Mielke en 1954. 

 

Mielke exposait un grand nombre de détails sur le navire, dont la cargaison, le nom du capitaine et le type de moteur. Le livret révélait également la date de la catastrophe : 1947.
D’où tenait-il ses informations ? Il semblerait qu’elles aient été dévoilées par un membre du Silver Star. Mielke indique également dans son récit qu’il y a de fortes chances pour que l’Ourang Medan ait transporté du matériel probablement illicite comme des produits hautement dangereux. Ce qui pourrait être assez compatible avec l’explosion et les morts étranges.

 

Le livret a favorisé les progrès de Bainton, en fournissant les noms des navires américains qui avaient reçu les messages fatidiques du navire, ainsi que le Silver Star, le navire dérouté, propriété de Grace Lines de New York et de la ville de Baltimore. Les tentatives répétées d'obtenir des détails auprès de Grace Lines à New York sur la liste de l'équipage et le journal de bord du Silver Star se sont heurtées à un silence total.

 

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