Les illusions dans la vie courante, la monarchie au Cambodge

par Jean Marie Champeau 7 Janvier 2025, 01:00 vie courante

 

L’illusion de la monarchie au Cambodge

Les armes royales du Cambodge.
les armes royales du Cambodge(*3)


Le roi du Cambodge est le chef de l'État du Cambodge

 

L'actuel royaume(2025) est le lointain héritier des royaumes pré-Angkoriens. 

 

La Constitution de 1993 fait du Cambodge une monarchie constitutionnelle où le roi règne mais ne gouverne pas. Celui-ci continue de jouer un rôle prépondérant dans les croyances populaires héritées des époques anciennes, pour garantir l’harmonie entre les divinités et ses sujets.

 

Ainsi, s'il doit être informé de la conduite des affaires publiques et convoque en audience le gouvernement deux fois par mois, la composition de ce dernier incombe au Premier ministre désigné par lui parmi les députés du parti ayant remporté les élections et qui doit être approuvé par au moins la moitié des membres de l’Assemblée nationale. 

 

La couronne cambodgienne n'est pas héréditaire mais élective. Le nouveau roi est désigné parmi les candidats d’ascendance royale, par le Conseil du trône, constitué du Premier ministre, des chefs des ordres Maha Nikaya et Dhammayuttika Nikaya, les deux principales fraternités religieuses issues du bouddhisme thaï, ainsi que des présidents et vice-présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. 

 

Norodom Sihamoni en 2019.
Norodom Sihamoni en 2019

Le roi du Cambodge depuis le 14 octobre 2004 est Norodom Sihamoni, né le 14 mai 1953 à Phnom Penh.

 

Il a succédé à son père, Norodom Sihanouk, qui avait abdiqué en 2004.

 

Le nom dynastique Norodom dérive du sanskrit "Narottama" : "le meilleur des hommes", épithète de Vishnou.

 

Le prénom Sihanouk est issu du pâli "Sihahanu" : "à la mâchoire de lion", qui est une épithète du Bouddha.

 

Quant au prénom de Sihamoni, il est issu de la contraction de Sihanouk et Monineath, "joyau bien aimé", prénom de la reine-mère du Cambodge, veuve de l'ancien monarque Norodom Sihanouk.

 

Origines
La péninsule indochinoise, dont le Fou-nan, entre le Ier et le IXe siècle apr. J.-C.
royaumes entre le 1er et le 9e siècle


Issu du fond des âges, l’empire cambodgien s’est développé progressivement pour découvrir qu’il est mortel, comme tout empire.

 

À partir d’un royaume appelé Fou-nan qui s’étendait du sud de l’actuel Viêt Nam au Laos, dans l’Est de la péninsule indochinoise, la civilisation Khmer se développa durant les 5 premiers siècles de notre ère.

 

D’autres royaumes cambodgiens, plus ou moins indépendants, se succédèrent ensuite, jusqu’au XVIe siècle, où le Siam, l’actuelle Thaïlande, plaça en état de vassalité la plus grande partie de l'actuel Cambodge.


Le peuple Khmer était lettré, constituant des bibliothèques, mais était aussi ordonné par une organisation administrative produisant des comptes, des actes et des registres.
Pourtant, l'ensemble de cette masse enregistrée sur support périssable disparut. À partir d'une certaine époque, la chaîne de transmission des archives et des savoirs historiques fut ainsi brisée.

 

Le déclin fut alors si prononcé que les Cambodgiens en étaient arrivés à oublier le lien qui les liait à la civilisation Angkorienne et durent attendre les travaux des archéologues du protectorat français à la fin du XIXe siècle pour se réapproprier l’héritage de l’empire Khmer.

 

19e siècle
L’indochine française.

 

Entre 1834 et 1841, le Viêt Nam (Annam) mit en place une politique d'annexion totale du Cambodge.

 

Vingt ans plus tard, en 1862, dans le cadre de la colonisation française(*1), le Viêt Nam cédait à la France ses droits sur le Cambodge

 

Le Siam, dont le Cambodge était vassal depuis le XVIe siècle, ne put alors faire autrement que de réaffirmer sa suzeraineté sur le Cambodge.

 

La France n'eut dès lors aucune difficulté à obtenir du souverain du Cambodge qu'il demanda officiellement la protection de la France.

 

Ainsi, en 1863, le roi Norodom Ier, fut amené à signer un traité de protectorat du Cambodge avec la France qui donnait sa protection sur sa personne et sur le royaume, et intégrait progressivement le pays dans son empire colonial. 

 

Norodom Ier du Cambodge.
Norodom Ier

 

 

Entre 1863, début du protectorat, et 1904, la France laissa, Norodom diriger les affaires intérieures du pays en monarque absolu, malgré quelques tergiversations.

 


En 1904, à la mort de Norodom Ier, la succession revint à son frère, le prince Sisowath, favori des Français. Partisan de la modernisation, il favorisa la politique mise en place par le président français Paul Doumer, de réalisation d'infrastructures. 

- - -

 

(*1) La mainmise de la France sur le Cambodge s'inscrivait dans le processus de colonisation des trois pays, Viêt Nam(Annam), Laos et Cambodge qui formèrent pendant un peu moins d'un siècle l'Indochine française, de 1887 à 1954.

 

- - -

 

20e siècle
Norodom Sihanouk jeune.
Norodom Sihanouk

 

Dans la première partie du XXe siècle, dans le cadre de l'union indochinoise, les Français construisirent un certain nombre d'infrastructures, des routes, la voie ferrée Pnom Penh-Battambang, le port de Pnom Penh, et des hôpitaux.

 

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les Français n'envisageaient pas de laisser accéder le Cambodge à l'indépendance dans un avenir proche.

 

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Japonais laissèrent le Gouvernement de Vichy administrer les différents pays de l'Indochine française tout en encourageant le nationalisme Khmer. 

 

Le 9 mars 1945, un coup de force japonais mit brutalement fin à la domination française. Le Cambodge, dont le roi était Norodom Sihanouk, l’arrière petit fils de Norodom Ier, bénéficia ainsi d'une brève période d'indépendance avant la restauration de l'autorité française lors de la capitulation nipponne. 

 

Sihanouk, ayant tiré son épingle du jeu, occupait une place centrale sur l'échiquier politique. Plusieurs fois chef du gouvernement, il parvint à neutraliser l'opposition de gauche, républicaine. 

 

Sihanouk obtint l'indépendance, en s'efforçant de négocier avec les Français dans des termes acceptables par toutes les parties. Un accord partiel se dégagea en octobre 1953. Sihanouk proclama alors l'indépendance et effectua un retour triomphal à Phnom Penh. 

 

Au cours de cette période des années 1950, qui conjuguait l'indépendance avec la paix, le Cambodge connut un développement rapide et une certaine prospérité. Grâce à sa politique de neutralité, il bénéficia d'une aide internationale diversifiée: France, États-Unis, Chine, Union soviétique, et même de la part de la Tchécoslovaquie

 

La construction d’infrastructures rompait avec la dépendance qui perdurait vis-à-vis de Saïgon. La population connut une croissance rapide, pour atteindre 5,7 millions d'habitants en 1962, presque le double de la population de 1937.

 

Dix ans plus tard, une organisation communiste clandestine profita de l’absence du prince pour provoquer d’abord de vastes manifestations antivietnamiennes, puis pour renverser Norodom Sihanouk qui, le 18 mars 1970, fut déchu par "l’Assemblée" de ses fonctions de chef de l’État. 

 

Arriva alors au pouvoir une équipe libérale emmenée par le général Lon Nol et le prince Sirik Matak de la branche royale des Sisowath, cousin de Norodom Sihanouk. La nouvelle équipe anticommuniste au pouvoir proclama l'abolition de la monarchie et le pays fut rebaptisé "République khmère". 

 

Si Sihanouk avait pu maintenir tant bien que mal son pays à l'écart du conflit vietnamien, engagé maintenant dans l'un des deux camps, le Cambodge bascula très brutalement dans la guerre.

 

Bombardier américain Boeing B-52 Stratofortress en mission sur le Sud-Est asiatique.
B-52 en mission au Sud-Est asiatique

En avril 1970, les États-Unis et le Sud Viêt Nam, libérés de toute contrainte, lancèrent une offensive de grande ampleur dans la zone frontalière qui servait de base aux communistes nord-vietnamiens. Une grande quantité de matériel fut saisie, mais les combattants s'enfoncèrent plus profondément dans le pays cambodgien.

 

L'armée cambodgienne dû faire face à la fois aux Vietnamiens et à la guérilla Khmère qui avait reçu l'appui de 4.000 combattants communistes repliés sur Hanoï depuis 1954. 

 

Entre 1965 et 1973 les B-52 américains larguèrent 2.756.941 tonnes de bombes sur le Cambodge. Les bombardements, qui furent un temps secrets, et qu’on dit les plus massifs de l'histoire, auraient produit l’inverse de l’effet recherché. Au lieu de décourager les combattants khmers rouges ils auraient poussés les paysans cambodgiens, ayant tout perdu, dans les rangs de l'opposition anti-gouvernementale. 

 

La "République khmère" s’effondra laissant le champ libre aux Khmers rouges.
Pendant les cinq ans que dura la "République Khmère", de 1970 à 1975, on estima entre 600.000 et 700.000 le nombre de victimes des multiples sources de violence de guerre.

 

La production de céréales passa de 3.951.000 tonnes en 1970 à 705.000 tonnes en 1974, soit une baisse de 82 %, le bétail fut laminé. 

 

Immédiatement après leur victoire sur la toute récente et feue république, les Khmers rouges de Pol Pot ordonnèrent l'évacuation de toutes les villes, dont les habitants furent "invités" à travailler parmi les paysans, à la campagne. Cet exode forcé fit des centaines de milliers de nouvelles victimes. Tout ce qui pouvait évoquer la civilisation urbaine, industrie, hôpitaux, écoles, administrations, fut anéanti.

 

Le 25 décembre 1978, l’armée vietnamienne passa à l’offensive et mit en déroute en quelques jours l’armée des Khmers rouges. Au cours du mois de janvier 1979, les Vietnamiens prirent le contrôle d'une grande partie du pays. 

 

C’est ainsi que tous les 7 janvier, le Cambodge célèbre la chute du régime de Pol Pot.

 

L'armée vietnamienne resta au Cambodge pendant une dizaine d'années. Elle installa au pouvoir la République populaire du Kampuchéa.


En réaction, les États-Unis et le Royaume-Uni instaurèrent un embargo entravant significativement le développement économique du pays.

 

Drapeau de "l'État du Cambodge".
drapeau de "l'État du Cambodge"


Suite à une période de confusion et d’instabilité politique marquée par des actions de guérillas anti-communistes, en 1989, les forces vietnamiennes se retirèrent du Cambodge

 

Le pays se baptisa État du Cambodge et intégra la couleur bleue dans son drapeau qui symbolisait la royauté et qui faisait revenir l’emblème aux couleurs traditionnelles de l'Empire Khmer du IXe siècle.

 

Le 23 octobre 1991, dans des conférences ayant lieu à Paris, tous les partis cambodgiens et les membres de La communauté internationale acceptèrent l'organisation d'élections nationales au Cambodge, organisées sous le contrôle de l'ONU.

 

 

Norodom Sihanouk, ex-roi du Cambodge en 2012.
Norodom Sihanouk en 2012

 

En 1991 les différentes factions cambodgiennes formèrent le Conseil National Suprême (CNS) composé de onze membres qui élirent à l'unanimité Norodom Sihanouk(*2) comme Président.

 

L'assemblée issue des élections de mai 1993, travailla à la rédaction de la nouvelle constitution, qui fut promulguée le 24 septembre 1993. 

 

Norodom Sihanouk redevint officiellement le roi du Cambodge. Le pays prit le nom de Royaume du Cambodge. 

 

Deux Premiers ministres furent nommés, Norodom Ranariddh et Hun Sen. 

 

Le Cambodge pacifié put progressivement s'ouvrir au tourisme et développer ses infrastructures.

 

En 2004 le roi Norodom Sihanouk abdiqua en raison de sa santé et décéda à Pékin le 15 octobre 2012. Il laissa le trône à son fils Norodom Sihamoni.

 

- - -

 

généalogie de Norodom Sihanouk roi du Cambodge.
généalogie de Norodom Sihanouk

 

 

(*2) Norodom Sihanouk est le fils de la princesse Sisowath Kossamak, fille du roi Sisowath Monivong et de Norodom Suramarit, lui-même petit-fils du roi Norodom Ier.

 

Il est de ce fait un descendant des deux branches rivales, les Norodom, par son père et les Sisowath, par sa mère, qui se disputaient depuis le protectorat français l’accès au trône et qui étaient, aujourd’hui encore, les seules à pouvoir fournir des prétendants à l’intronisation.

 

Comme en occident, avec nos lignées royales, il n’est pas rare de voir des unions entre cousins qui permettent de concentrer le pouvoir.

 

- - -

 

Les armes royales du Cambodge.

 

 

(*3) Les armes royales du Cambodge sont composées de deux coupes, superposées l'une sur l'autre ; sur la plus haute, placée horizontalement, une épée sacrée surmontée par la version cambodgienne du symbole Om̐ qui représente la totalité de ce qui existe, qui contient le passé, le présent et le futur.

 

 

Aux côtés des coupes, on peut voir deux rameaux de laurier derrière une représentation de la plaque de l'ordre royal du Cambodge.

 

Derrière se trouve un manteau royal.

 

Dans la partie supérieure du blason, on peut voir la couronne royale du Cambodge, avec un rayon de lumière sur elle. Le blason est flanqué de deux animaux mythiques : à droite, un gajasinha, un lion (singha) avec la trompe d'un éléphant (gaja) ; et à gauche, un singha, qui est un autre lion mythologique. Chacun de ces animaux porte un parasol à cinq niveaux.

 

Dans la partie inférieure, sur une ceinture, on peut lire la devise nationale écrite en cambodgien : "Roi du Royaume du Cambodge".

 

- - -

 

 

illusionmonarchiecambodge

 

Photos

Les armes royales du Cambodge(*3)

Par Sodacan — Own work by uploader, based on: [1], [2] and [3], Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6340163

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1e/Royal_arms_of_Cambodia.svg/800px-Royal_arms_of_Cambodia.svg.png

 

Norodom Sihamoni en 2019.

Par Website of the Prime Minister of Japan — https://japan.kantei.go.jp/98_abe/actions/201910/_00045.html, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=91076605

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/47/King_Norodom_Sihamoni_%282019%29.jpg

 

Royaumes entre le 1er et le 9e siècle

La péninsule indochinoise, dont le Fou-nan, entre le Ier et le IXe siècle apr. J.-C.

Par Emmanuel de Chambost (France) — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=875291

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a0/Map_indianized_kingdoms_indochina.jpg/800px-Map_indianized_kingdoms_indochina.jpg

 

L’indochine française

https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/images/Indochine-francaise-map2.gif

 

Norodom Ier (1834-1904), roi (1860-1904)

Par Auteur inconnu — 19th century photograph. Personal photograph at the MEP, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4850191

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/7d/King_Norodom.jpg/800px-King_Norodom.jpg

 

Norodom Sihanouk

https://media.newyorker.com/photos/590955181c7a8e33fb38b4ca/master/w_1920,c_limit/Norodom-Sihanouk.jpg

 

B-52 en mission au Sud-Est asiatique

Bombardier américain Boeing B-52 Stratofortress en mission sur le Sud-Est asiatique.

Par USAF — National Museum of the USAF photo 061127-F-1234S-017, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3198844

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/74/B-52D%28061127-F-1234S-017%29.jpg/1280px-B-52D%28061127-F-1234S-017%29.jpg

 

Drapeau de "l'État du Cambodge"

Par Xiengyod — self-made, based on an image at Flags Of The World, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1396697

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/17/Flag_of_the_State_of_Cambodia_%281989%E2%80%931992%29.svg/1280px-Flag_of_the_State_of_Cambodia_%281989%E2%80%931992%29.svg.png

 

Norodom Sihanouk en 2012

https://cdn.britannica.com/14/164114-050-3F05A308/Norodom-Sihanouk-2012.jpg?w=300

généalogie de Norodom Sihanouk

https://fr.wikipedia.org/wiki/Norodom_Sihanouk

 

Les armes royales du Cambodge

Par Sodacan — Own work by uploader, based on: [1], [2] and [3], Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6340163

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1e/Royal_arms_of_Cambodia.svg/800px-Royal_arms_of_Cambodia.svg.png

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
commentaires

Haut de page