Les mirages cosmiques
Par analogie avec les mirages atmosphériques ordinaires, certains phénomènes observables à l'échelle cosmique, et donnant lieu par exemple à la multiplication d'images d'un astre lointain unique sont des «mirages gravitationnels».
Dans ce cas, l'origine du phénomène réside dans la disposition particulière de plusieurs corps dans l'espace.
Bien que cet effet ait été prédit dès 1919 par l'astronome britannique Sir Arthur Eddington, ce n'est qu'après soixante années de recherches infructueuses que le premier mirage gravitationnel fut finalement observé.
Une éclipse révélatrice
En 1704 déjà, Isaak Newton suggérait que la lumière était formée de particules. Selon lui, celles-ci étaient pourvues d'une masse et devaient donc être déviées tout comme des particules matérielles au voisinage d'un corps massif, en vertu de la loi de l'attraction universelle qu'il avait énoncée en 1687.
Il faut attendre 1915 et la théorie de la relativité générale qui attribue, au contraire de Newton, une masse nulle au photon, mais prévoit que leur trajectoire est déviée par la présence d'un corps massif non pas par son attraction comme le suggérait Newton mais du fait de la courbure de l’espace temps à proximité du corps massif.
Eddington parvient à mesurer cet angle de déviation minime lors de l'éclipse solaire de 1919, en observant un léger déplacement apparent de la position d'étoiles situées à proximité du bord de Soleil et rendues visibles grâce à l'occultation du disque solaire par la lune au cours de cette éclipse.
D'un coup, il confirme ainsi la déviation de la lumière par le Soleil et établit la supériorité des prédictions de la théorie de la gravitation d'Einstein sur celles de la loi d'attraction de Newton.
Cette observation d'une grande importance permet à Eddington de prédire l'existence d'une véritable «optique gravitationnelle» liée à la déviation de la lumière par la gravitation, analogue à l'optique classique dans laquelle les rayons lumineux sont déviés par leur passage dans une lentille.
En particulier, l'angle de déviation d'un rayon lumineux frôlant la surface du Soleil, le corps de plus grande masse disponible dans notre voisinage, est estimé par cette théorie à environ deux secondes d'arc, soit à peu près l'angle infime sous lequel apparaîtrait une pièce de monnaie vue à une distance de deux kilomètres!
Dès lors, un observateur peut, dans certaines circonstances, voir deux images distinctes du même astre éloigné, qui correspondent à deux faisceaux de lumière passant de part et d'autre du déflecteur. Il s'agit donc bien là d'un mirage dans le ciel!
La gravité infléchit la lumière, parce que l’espace-temps dans lequel elle se déplace est courbe aux abord de la galaxie située entre observateur et l’objet observé. Ici, nous voyons deux images d’un quasar lointain des deux côtés d’une galaxie située dans l’axe.
Quand la lumière ne se comporte pas comme prévu, c’est toujours déroutant. Notre conception de la lumière suppose que celle-ci se déplace en ligne droite et nous nous laissons prendre aussi bien en pensant apercevoir un point d’eau dans le désert, qu’en croyant apercevoir 2 galaxies dans l’univers….
Les quasars sont étonnants à plus d'un titre. Ils se situent à des distances énormes, presque aux confins de l'univers observable, et doivent donc, pour être observés de la Terre, émettre une extraordinaire quantité d'énergie lumineuse.
Le premier exemple de ce phénomène est observé le 29 mars 1979 par les astronomes anglais Walsh, Carswell, et l'astronome américain Weymann du Kitt Peak.
Les astronomes observent ainsi deux images d'un quasar baptisé Q0957+561A-B. Les deux objets, séparés de 6 secondes d'arc, sont de la même magnitude et présentent rigoureusement le même spectre et le même décalage vers le rouge.
Walsh suppose qu'il s'agit de l'image dédoublée d'un quasar unique. Des observations ultérieures le confirment et montrent que la lentille gravitationnelle est dans ce cas créée par une galaxie elliptique géante quatre fois plus proche de la Terre que le quasar.
Ces deux quasars apparaissant donc comme des jumeaux en tous points identiques. L’hypothèse d'un mirage gravitationnel se révéla correcte lorsque l'on découvrit l'objet déflecteur situé entre le quasar et nous qui est une galaxie elliptique géante. Le temps mis par la lumière pour nous parvenir du quasar varie selon le chemin emprunté, si bien qu’on voit deux versions du même objet à des moments différents.
Un mirage gravitationnel avait enfin été découvert, soixante ans après la prédiction de son existence!
Le nombre d'images est déterminé par la forme de la galaxie et la précision de l'alignement. Parfois, lorsque l'alignement entre les deux objets est parfait, l'image de l'objet lointain peut être modifiée au point de prendre la forme d'un anneau lumineux entourant l'image de l'objet proche.
En observant certaines galaxies ou certains quasars, on assiste quelquefois à de curieux effets optiques : leur image est dédoublée, triplée ou même quintuplée à quelques secondes d'arc de distance ou prennent la forme d'arcs incurvés autour d'un axe central.
1- La lumière quitte une galaxie près de la bordure visible de l’univers.
2- Une grande partie de la lumière passe à travers un grand regroupement de galaxies, directement dans la ligne de mire entre la Terre et la galaxie distante. La gravité agit comme une lentille, tordant la lumière arrivant.
3- la plupart de la lumière est dispersée, mais une petite partie est concentrée et directement dirigée vers la Terre. Les observateurs verront plusieurs images déformées de la profonde galaxie.
En regardant l’image ci-dessus et ci-dessous, on pourrait se demander si on a à faire avec une galaxie à plusieurs cœurs. Non, c’est une "Croix d’Einstein", un mirage cosmique.
Un "anneau d'Einstein" est une sorte de mirage cosmique dans lequel la gravité d'une galaxie en premier plan distord la lumière en provenance d'une galaxie plus lointaine en un arc. Si l'alignement entre la galaxie de fond, la "lentille" de premier plan et la Terre est parfaitement réalisé, la lumière de la galaxie lointaine prend la forme d'un anneau complet.
Belokurov et ses collègues ont repéré Le Fer à Cheval Cosmique.
L'équipe a poursuivit son étude à l'aide d'autres télescopes. Le spectre de l'anneau montre que sa lumière provient d'une galaxie d'étoiles en formation qui correspond à une époque où l'univers n'était âgé que de 2,8 milliards d'années.
L'anneau entoure quelque 6000 milliards de soleils, ce qui fait de la lentille du Fer à Cheval Cosmique une des galaxies les plus massives jamais détectées.
Cette image présente la galaxie LRG-3-817, dont l'image est déformée par un effet de lentille gravitationnelle, apparaît comme un long arc à gauche d'un amas d'autres galaxies.
Sur cette image qui associe les données de l'Observatoire de rayons X Chandra et du télescope spatial Hubble, on aperçoit les images multiples d'un lointain quasar. Au premier plan, une galaxie massive déforme si intensément la lumière du quasar qu'elle agit comme une lentille et génère cette apparente duplication.
Quelques images dont on ne se lasse pas.
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