L'effet Dunning-Kruger,
ou quand les plus mauvais se croient doués
Il faut remonter en 1995, à Pittsburgh, Pennsylvanie. McArthur Weeler décide de dévaliser deux banques.
Manque de chance, il sera arrêté le soir-même, confondu par les caméras de surveillance.
Il faut dire qu'il s'était rendu sur le lieu du crime le visage découvert, la tête enduite de jus de citron...
Le voleur était persuadé que, comme pour l'encre invisible, le citron le rendrait indétectable des vidéos de surveillance.
Le principe de Dunning-Kruger, aussi appelé effet de surconfiance, est la propension d’un individu à surestimer ses probabilités de succès ou la véracité de ses jugements. Il revient au psychologue californien Stuart Oskamp d’avoir, en 1965, montré l’effet de la surconfiance dans le jugement individuel.
Cette théorie a été évoquée en 1999 dans le Journal of Personnality and Social Psychology par les deux psychologues américains David Dunning et Justin Kruger, intrigués par l’anecdote.
En termes de management, cela correspond à des collaborateurs peu compétents mais qui sont malgré tout très sûrs d'eux. Vous en avez déjà probablement croisé au cours de votre carrière. . .
Vous connaissiez déjà le principe de Peter, ou quand les incompétents prennent le pouvoir ? Vous aimerez le principe de Dunning-Kruger, ou pourquoi les incompétents se croient si doués !
Selon la théorie de Dunning et Kruger ce n'est pas seulement que les moins compétents peinent à reconnaître leur incompétence mais qu'ils sont certains d'être compétents.
Pour valider leur théorie, les deux psychologues ont procédé à différents tests dans des domaines nécessitant un peu de culture, d'humour, de sens logique et d'une bonne connaissance de la grammaire. A la fin de chaque exercice, les participants devaient s'auto-évaluer. Chaque fois, ils surestimaient leurs compétences.
On prend comme hypothèse qu’une personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence et ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompétence ni ne parvient à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement.
L’hypothèse a été testée sur de jeunes étudiants en psychologie de l'université Cornell au travers d'auto-évaluations.
Une fois les tests achevés et les réponses révélées, on a demandé aux sujets d'estimer leurs rangs par rapport au nombre total de participants. Il en est résulté une estimation correcte de la part des plus compétents et une surévaluation de la part des moins compétents.
Au travers de plusieurs études, les auteurs ont découvert que les participants des 25 % les moins compétents ont largement surestimé leurs performances. Inversement, les sujets bénéficiant de véritables compétences ont eu tendance à les sous-estimer.
Cet effet se vérifierait également auprès des femmes et hommes politiques (si, si, il y en a!), et ce pourrait être une des causes d'erreur de diagnostics médicaux.
Les études sur l'effet Dunning-Kruger ont surtout été réalisées sur des Occidentaux. Une étude sur des sujets est-asiatiques suggère, pour ces personnes, un effet inverse par une sous-estimation de sa propre valeur et sur-motivation pour s'améliorer.
Illustration de l'auto-évaluation d'un sujet au cours de l'acquisition d'une compétence.
Les connaissances et l'intelligence nécessaires pour accomplir une tâche sont souvent les mêmes que celles nécessaires pour reconnaître que l'on n'y est pas bon.
Par conséquent, si l'on manque de ces connaissances et de cette intelligence, on reste ignorant de ce qu’il faut corriger.
Une formation de ces personnes menant à une amélioration significative de leur compétence, pourrait les aider à reconnaître et accepter leurs lacunes antérieures. Mais l’effet n’est pas garanti car « il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ».
La force de la théorie de Dunning et Kruger, comme le principe de Peter, c'est qu'elle parle à tout le monde. On y reconnaît volontiers son chef, ses collaborateurs, passés et présents.
On peut nuancer cet effet en rappelant que d’autres phénomènes entrent en jeu. Les personnages se trouvant à des positions hiérarchiques élevées ne sont pas tous des incompétents qui s’ignorent, beaucoup sont narcissiques.
Mais quelquefois on y trouve des personnes compétentes.
Comme on l’a vu, le principe de Dunning-Kruger touche tout le monde, mais nous, nous sommes bien au dessus de tout cela n’est ce pas ?
Le problème avec le monde, c'est que les gens intelligents sont pleins de doutes tandis que les plus stupides sont pleins de confiance.
dunningkruger