Les illusions, le paradoxe du petit monde

par Jean Marie Champeau 8 Octobre 2022, 02:00 curiosité logique

 

Les six degrés de séparation. 
Les six degrés de séparation. 


La diffusion du COVID sur toute la planète en quelques semaines a ressuscité un concept formulé en 1929 par le hongrois Frigyes Karinthy.

 

En effet, l’écrivain, dramaturge, poète, journaliste et traducteur hongrois est l'inventeur du concept des "six degrés de séparation", dans sa nouvelle «Chaînes». 

 

Cette théorie veut que chacun d'entre nous, sur la planète, puisse être connecté à une autre personne en suivant une chaîne de connaissances ne contenant pas plus de cinq intermédiaires.

 

Bien qu’il ait souvent dit : «En humour, je ne plaisante jamais», son concept, très sérieux, est désormais connu comme Le «phénomène du petit monde» ou sous le vocable «paradoxe de Milgram» car ses résultats semblent contraires à l'intuition.

 

La première expérience conduite en ce sens fut celle dite du "petit monde", en 1967, par le psychosociologue Stanley Milgram reprenant la théorie de l’écrivain hongrois. 

 

Milgram mentionne deux études, l’une, désignée comme «étude du Kansas», impliquant des personnes résidant dans la ville de Wichita dans le Kansas et l’autre, désignée comme «étude du Nebraska», des habitants de Omaha, dans le Nebraska. 

 

À partir des chaînes ayant atteint leur destinataire, on constata, en effet, qu’un nombre de cinq intermédiaires se dégageait. En plus, Milgram identifia un effet "d'entonnoir" par lequel la plupart des propagations étaient le fait d'un petit nombre de personnes ou étoiles qui avaient une connectivité nettement supérieure à la moyenne.

 

L'expérience donna lieu à l'expression bien connue des six degrés de séparation.

 

Le calcul des petits mondes 


De nombreuses autres études ultérieures prouvèrent aussi que si le nombre six n'est pas nécessairement le nombre juste, il n' en demeure pas moins que la chaîne de contacts qui relie entre eux deux individus, choisis aléatoirement sur la planète, est très petite par rapport à la population entière.

 

Si l'on calcule la distance qui sépare chacun d'entre nous de n'importe quel autre individu sur la planète, en terme de nombre de contacts interposés pour se rendre de l'un à l'autre, le monde est petit. 

 

Les scientifiques ont donc essayé de définir la structure d'interactions de leur modèle pour représenter cet effet des "petits mondes" observé dans la réalité.

 

On suppose une population de N individus et le nombre z, appelé le nombre de coordination du réseau, est le nombre moyen de contacts que possède chaque individu du réseau.

Il y a donc 1/2Nz connexions symétriques au total dans le réseau. 


On peut construire un tel graphe en traçant N sommets et en reliant 1/2Nz paires de sommets choisis aléatoirement. 

 

La figure illustre un graphe aléatoire de 6 sommets et ayant une connectivité moyenne de 2. 

 

La figure illustre un graphe aléatoire de 6 sommets et ayant une connectivité moyenne de 2.
Graphe aléatoire avec N = 6 et z= 2

 

On montre que ce genre de réseau présente l'effet des petits mondes. En effet, supposons que A est un des sommets d'un graphe aléatoire. A possède donc z voisins qui possèdent à leur tour z voisins et ainsi de suite. 

 

Il s'ensuit que A possède z voisins directs, z2 deuxièmes voisins, z3 troisièmes voisins etc. . .

 

Dans la vie courante, un individu a en moyenne entre 100 et 1000 connaissances ainsi, z4 se trouve entre 108 et 1012, ce qui est comparable à la population mondiale actuelle. 

 

Si la distance entre deux nœuds est la longueur du plus court chemin qui relie ces nœuds, on définit le diamètre d'un graphe comme la plus grande distance entre deux de ses sommets. Le diamètre D d'un graphe aléatoire est donné par zD = N qui implique que : 

D = logN/logz

 

On voit que D augmente très lentement avec l'augmentation de la population N. 

 

Un exemple

 

- Un individu connaît:                                                     1000 personnes

 

- Nombre d’habitants en France(environ):                     60 millions

 

- Probabilité de se connaître entre deux personnes:     1/60.000

 

- Probabilité d’une relation commune
  (chacune connaît 1000 personnes):                             1/60

 

- On peut calculer la probabilité que pour deux personnes ayant chacun une relation en France, ces deux personnes se connaissent :                                   99%
 

 

Le phénomène


Après l'expérience du "petit monde", conduite en 1967 et avec l’apparition des réseaux sociaux, le phénomène est redevenu un sujet d’études.

 

Une foule.

 

 

Des travaux récents, portant sur les effets du phénomène du "petit monde" dans la propagation des épidémies, montrent, qu'à cause de la nature fortement reliée des réseaux pris comme un tout, retirer des points de convergences d'une population n'a généralement que peu d'effet sur la longueur moyenne des chemins dans les graphes.

 

Conséquences
Un exemple de clique, le graphe complet.
graphe complet


Au niveau mathématique, l'effet petit monde a deux particularités(*) :


    • la distance moyenne entre deux nœuds est proportionnelle au logarithme du nombre de nœuds, ce qui est le cas dans des graphes aléatoires ;


    • un grand nombre de structures montre que les voisins d'un sommet donné seront souvent connectés entre eux, ainsi la distance moyenne est faible. Cet effet n'est absolument pas présent dans les graphes aléatoires.

 

Après plus de trente ans, le statut de cette idée comme description de réseaux sociaux hétérogènes reste une question ouverte. Des travaux encore menés actuellement sur le "petit monde" montrent que les réseaux des mondes naturels et artificiels comme les réseaux neuronaux et les réseaux électriques présentent les caractéristiques des "petits mondes".

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(*) Les modèles du petit monde ont été considérés comme l'une des 25 grandes idées qui ont changé le monde par l'historien des sciences Robert Matthews.

 

En novembre 2011, Un célèbre réseau social, que je ne nommerai pas, publie, en partenariat avec l'Università degli Studi di Milano, une étude traitant, en partie, du sujet du petit monde. Celle-ci est basée sur un échantillon de 721 millions de personnes, soit l'ensemble des utilisateurs du réseau social, à cette époque.

On y apprend que, désormais, chaque personne est reliée en moyenne par une chaîne de 4,74 relations à n'importe quelle autre.

 

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paradoxepetitmonde

Photos

Les six degrés de séparation.

Par Laurens van Lieshout — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2032585

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/88/Six_degrees_of_separation_01.png

 

Figure 2.4.1.2 Graphe aléatoire avec N = 6 et z= 2

https://archipel.uqam.ca/5023/1/M9814.pdf

Mélanie Lord, Avril2007, page 34

 

foule

https://fotomelia.com/wp-content/uploads/edd/2015/11/banque-d-images-gratuites-libres-de-droits47-1560x1170.jpg

 

clique, graphe complet

Par David Benbennick wrote this file. — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=511709

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