Les illusions dans la vie courante, Les illusions du langage

par Jean Marie Champeau 22 Mars 2024, 03:00 vie courante

 

Les illusions du langage

 

 

C’est une évidence que la répétition irrigue, et même structure, le discours publicitaire.

 

Le message se diffuse sous diverses formes et en particulier d’antanaclases abondamment utilisées, par exemple: Lave plus blanc que blanc.


 

Les acteurs avec force gestuelle actent pour convaincre. Par exemple pandiculer au café du matin en paraphrasant les slogans assénés, ou au sommeil du soir montrer que désormais, il n’est plus question d’agrypnie.

 

Pour porter la bonne parole au niveau de tous, on constate que très peu de slogans publicitaires, se hasardent à faire des liaisons phonologiques. Les gens font très peu de liaison, les liaisons supposent qu’on sache l’orthographe. Or la publicité ne demande pas aux gens de savoir écrire, elle leur demande de savoir acheter.

 

Au passage, on remarquera que les personnes qui font des cuirs sont doublement ridicules : elles veulent s’élever au-dessus du commun et montrent qu’elles n’en ont pas les moyens. De ces prétentieux, les gens disent vigoureusement qu’ils veulent péter plus haut que l’cul, d’une synalèphe entendue.

 

Pour rendre compte de la liaison, il faut précisément composer ces mots isolés en un syntagme phonologique unique où certaines frontières doivent être effacées.

 

Certains universitaires voient la liaison moins comme un problème phonologique lié aux finales de mots que comme un problème phonotactique de construction du cursus à l’intérieur duquel c’est l’absence de délimitation des mots qui induit les enchaînements et re-syllabations constatés.

Dans un domaine proche de la publicité, à savoir la communication politique, certaines périodes sont propices à ce que l'une de nos élites dirigeantes vienne battre sa coulpe en public, dans les médias ou dans un livre.

 

«Qui s'excuse s'accuse», écrivait Stendhal par une paronomase plutôt bienvenue. Il faut croire que nos responsables publics n'ont pas relu depuis longtemps l'œuvre de l’écrivain romantique.

 

 

Ainsi, on vit comme candidat à l'examen de conscience, le sémillant président des années 2020. Un récidiviste en l'occurrence. Alors Ministre de l'Économie, il avait déjà présenté publiquement ses excuses, par deux fois, pour avoir évoqué la présence d'«illettrées» parmi les salariées de l'abattoir de porcs Gad.

 

Certains diront que le ci-devant repentant avait cédé au politiquement correct. Comme tous ces pauvres pécheurs, en se confessant ainsi sur l'autel de la religion cathodique, il espérait renouer le lien avec l'opinion. Mais est-ce si sûr ?

 

Le personnage a deux visages, l’un contrit, l’autre hâblant, la sincérité fût-elle dans la saillie ou est-elle dans la confession ? Il semble bien comode de se réfugier derrière les mots. Mais le langage aussi a ses angles morts.

 

«Montaigne cherche à s’affranchir de l’artifice de la langue en détournant des voix», disait un universitaire spécialiste du langage.

 

A la lecture des quelques grandes prosopopées de Montaigne, traducteur du théologien espagnol Sebond, on voit que le procédé comme entrée dans la fiction paraît un choix méthodique viable. C’est une figure en vertu de laquelle le masque dissimule et révèle à la fois.

 

La magie de la lecture se joue ainsi dans l’intersubjectif, entre intention de l’auteur et attention du lecteur.

 

La syllepse facile, les avoueurs, éventuellement ceints de leur écharpe tricolore et de leur probité, essaient, maintenant, de nous convaincre qu’ils ne sont pas infaillibles alors qu’ils voulaient nous persuader du contraire lors de leur mandat.

 

Fiers de leur ipséité, ils tentaient de brouiller les cartes à grand coups de synecdoques, parlant du tout pour la partie, de la partie pour le tout. Il était hasardeux de mettre en doute leur bonne foi.

refus

 

Une parole me revient en mémoire : «Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent. »

 

Attribuée à Edgar Faure, à la réputation d’opportuniste sans conviction, la sentence aurait justifié ainsi son ralliement au "«général". Cet aphorisme est devenu l'un des plus célèbres de la vie politique française.

 

Au bout du compte, on pourrait trouver que tout cela sent le remugle et craindre que dans tous ces revirements, les topiques, poncifs et autres tropes ne soient là que pour nous faire accepter l’inacceptable.

 

Pourtant, ceux là, et même d’autres, auront beau empiler les hendiadys et les zeugmas pour marteler leur discours, on dirait bien que la mayonnaise ne prend plus.

 

L’électeur, surtout le jeune électeur incrédule, pris d’un rire inextinguible, fera le geste que les jeunes générations n’hésitent pas à brandir(*) pour signifier à ceux-là qu’on ne les y prendrait plus.

 

 

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(*) Tu pensais à un autre geste, cher lecteur ?

 

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