Les illusions, l’appel à la popularité

par Jean Marie Champeau 2 Avril 2024, 02:00 vie courante

 

Le sophisme par l’appel à la popularité


Ce sophisme consiste à valider une idée en arguant du fait qu’elle est admise comme vraie par un grand nombre de personnes. Cela contribue à mobiliser l'attrait du bon sens commun. 

 

En gros "si tout le monde pense ça, alors c'est que ça devrait être la norme".

 

Le nom latin "Ad Populum", de ce paralogisme signifie simplement : en appeler à la foule, puisqu'il consiste à en appeler à son autorité. 

 

Le fait que tout le monde le pense, le fasse ou le croie n'est pas en soi un argument suffisant pour conclure que cela est juste, vrai ou bien. Mais le Ad Populum reste néanmoins un des paralogismes favoris des publicitaires : on affirme alors qu'une chose est juste (bonne, belle, désirable etc.) puisque tout le monde la fait, la pense ou, le plus souvent, la consomme.


Exemples : 
"De nombreux scientifiques confirment le réchauffement climatique."
Ce n’est parce que beaucoup(combien?) le disent que c’est vrai. D’ailleurs d’autres ne confirment pas le phénomène. 

 

En outre, cela dépend de ce que l’on entend par "beaucoup". Si, par exemple c’est dix, on peut trouver dix scientifiques qui contestent le terme, et selon le même procédé fallacieux on pourrait aussi faussement dire, à l’inverse :

"De nombreux scientifiques contestent le réchauffement climatique". 

 

Pour parler d’un sujet qui a agité la société française des années 2020 :
"Tout le monde a compris que dans un pays où l’on vit plus vieux, il est normal de travailler plus longtemps"


Ce n'est pas parce qu'on vit plus vieux qu'il faut nécessairement travailler plus longtemps. D'autres alternatives existent sûrement. C'est encore moins vrai que tout le monde pense ça, que c'est du bon sens, et que ça devrait être la norme.


Ce raisonnement est proche de la "pensée de groupe" où chaque membre du groupe essaye de conformer son opinion à ce qu'il croit être le consensus du groupe, en évacuant ses propres doutes pourtant légitimes(*1)

aller voir

 

Pour plus de détail sur le biais de la pensée de groupe on peut aller voir l'article du paradoxe d'Abilene, là. . .


Si quelqu'un annonce "Mais tout le monde fait çaaaaa. . .", alors demandez-lui de vous montrer en quoi "tout le monde" est forcément dans le vrai, qu'il ne peut pas se tromper. 

 

Vous pouvez également donner des exemples concrets d’époques où la majorité de la population se trompait.

 

Comme par exemple : Il fut un temps où l'esclavage était considéré comme normal, les femmes étaient considérées comme inférieures à l'homme, la saignée était considérée comme un remède efficace contre les maladies. . . ou encore que tout le monde pensait que la Terre était plate.


Évidemment, "tout le monde" peut se tromper et il faut donc évaluer à leur mérite la tradition et ses enseignements, se demander s'ils demeurent valables et vrais aujourd'hui et compte tenu de nos savoirs, valeurs et ainsi de suite.

 

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(*1) L'expérience de Solomon Asch, un psychologue américain, a prouvé le pouvoir du conformisme au sein du groupe.

 

Publiée en 1951, son étude a été menée auprès d'un groupe d'étudiants, âgés de 17 à 25 ans.

Tous les participants étaient complices de l'expérimentateur, sauf un.

 

Ils devaient répondre à une question simple : trouver sur un dessin, les deux barres de même longueur.

 

Interrogés séparément, tous les sujets ont fourni la bonne réponse.

Réunis dans une même pièce, on leur demanda à nouveau de juger la longueur de ces lignes. L'expérimentateur avait demandé à des complices de fournir une fausse réponse identique.

expérience de Asch

 

 

Quelle est la barre de la même taille qu’à gauche?

 

 

Le sujet "naïf" qui répondait en avant-dernier, s'est, de nombreuses fois, conformé aux mauvaises réponses des complices du chercheur.

 

- 25% seulement se tiennent à ce qu'ils pensent juste et contredisent les autres participants.

- 5% des sujets se conforment absolument aux résultats des autres.

- 70% des sujets, se conforment plus ou moins aux réponses des autres...

 

Interrogés à l'issue de l'expérience, pour justifier leurs réponses, les 5% de cobayes moutons ont répondu un manque de confiance en soi, l'envie de rentrer dans la norme, une certaine incompréhension de l'exercice et même une "mauvaise vue"... pour se dédouaner de leurs décisions.

 

Pour les 70% autres, Asch estime qu'ils sont victimes d'une "distorsion" du jugement jusqu’à éventuellement fournir une mauvaise réponse pour ne pas être exclu du groupe.

 

En revanche, si un deuxième cobaye participe à l'expérience, et qu'il peut lui aussi donner la bonne réponse, le taux d'erreurs chute ainsi que si le nombre de complices est réduit à 3 ou 4 sujets..

 

Difficile de lutter contre le conformisme quand on ne sent pas compétent, encore plus si on a face à soi une personnalité charismatique, ou encore une "grande gueule" qui domine le débat.

 

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Moralité

Nuremberg

 

L'appel à la foule et à la tradition sont des stratégies très efficaces et pour cela très prisées des manipulateurs.

 

Elles offrent notamment l'avantage de flatter les convictions les plus conformistes et donc les plus courantes et donc de pouvoir s'exercer sans grand risque dans la plupart des milieux.

 

 

Dans leur forme la plus exacerbée, et la plus dangereuse, ce type de paralogisme devient l'appel à la passion populaire et peut aller jusqu'à susciter la haine et le fanatisme.

 

 

appelpopularité

 

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